L’histoire commence. Atelier du roman

L’histoire commence. Atelier du roman.

Ce titre programmatique exprime très bien les conditions de réalisation des textes qui paraissent dans ce dossier. Ils ont été rédigés afin de répondre aux exigences du cours Écriture de fiction I (roman), donné à l’Université Laval à l’automne 2012 – puis retravaillés pour en faire une publication autonome, indépendante du contexte de rédaction et lisible par tous. Le cours Écriture de fiction I (roman) se situait à mi-chemin entre l’atelier d’écriture et le cours magistral, à mi-chemin aussi entre le séminaire au sens de groupe de travail et le studio dans lequel l’artiste devait explorer sa propre démarche. À cet effet, donc, les étudiants inscrits à ce cours de premier cycle devaient rédiger, sur une période de douze semaines, le début d’un roman et quelques textes de réflexion sur l’art romanesque.

Ce sont les résultats de cette exploration à la fois artistique et intellectuelle qui sont donnés ici. Le dossier regroupe donc deux types de textes.

On peut lire les premières pages de quelques projets romanesques. Bien que les textes soient inachevés, dans un certain sens, leur mise en commun par l’entremise de ce dossier cherche à montrer que l’écriture en atelier peut donner naissance à des textes de longue haleine qui se déploieront à l’extérieur des limites parfois rigides du chantier d’écriture et du cours universitaire. Les étudiants inscrits au cours devaient écrire deux pages du même projet à chaque semaine et les soumettre au regard critique de leurs collègues avant de les retravailler et de les présenter une fois de plus à la critique – celle de l’enseignant, cette fois. À l’aune des commentaires reçus et des discussions entre pairs, les étudiants ont recueilli les fragments rédigés pour proposer une dernière fois un texte suivi : le début du roman qu’ils souhaitaient écrire. Ce sont ces débuts, ces commencements, qui nous sont donnés à lire ici.

À terme, l’étudiant inscrit à ce cours se sera posé beaucoup de questions sur les caractéristiques propres au roman, ainsi que sur les enjeux soulevés par son écriture. Le présent dossier rassemble donc également des réflexions construites à partir des essais sur l’art romanesque mis au programme et des œuvres de fiction lues dans le cadre du cours. Ces travaux réfléchissent aux différentes visions possibles de la littérature et du roman ainsi qu’à la pratique de l’art romanesque telle qu’elle a été explorée durant le semestre.

L’objectif de ce dossier, au final, est donc de dire quelque chose sur l’écriture du roman en présentant à la fois et dans le désordre des textes de réflexion et des textes de création abordant la question de par leur essence ou leur propos. Il ne s’agit pas ici de proposer une réponse dogmatique qui chercherait à faire école, mais bien plutôt de se questionner sur les paramètres propres à l’écriture romanesque, de s’interroger sur la lecture littéraire opérée par un praticien de l’écriture, et de sonder sa propre pratique afin de la comprendre davantage et d’être en mesure de la situer à la fois dans le monde littéraire et dans le monde académique.

Directeur du dossier :
Pierre-Luc LANDRY

Et toc!

Par |2016-12-21T15:12:32-05:0024 avril, 2013|Cours de création littéraire, Dossiers thématiques, L'histoire commence. Atelier du roman, Roman, Textes de creation|

Déposer la serviette de lin tissé devant le micro-ondes, toujours la même serviette de lin, toujours au même endroit, toujours. On ne se fait prendre qu’une seule fois à mettre sa main sous un plat de plastique brûlant. Faire pression sur le bouton-poussoir du micro-ondes, contrôler cette pression; il ne faut rien brusquer. L’important restera ma main gauche : à l’affût à chaque instant de la manœuvre. Prête, elle attrape la porte du micro-ondes, l’empêchant du même coup d’aller se heurter contre le mur. J’ai en horreur le toc qui se produit lorsqu’elle le frappe : la plainte sourde du gypse défraîchi m’horripile – personne ne vient ici, pourquoi aurais-je repeint? Ce bruit signifierait l’échec de mon entreprise, la perte de contrôle : il ne faut jamais perdre le contrôle. Immobile, elle se doit de rester immobile.

La résilience des corps

Par |2016-12-21T15:12:40-05:0015 avril, 2013|Cours de création littéraire, Dossiers thématiques, L'histoire commence. Atelier du roman, Roman, Textes de creation|

— On était dans Charlevoix, dans un chalet qu’elle avait loué pour une semaine, aux Éboulements. Elle aime assez ça, aller là! Ça allait super bien, je veux dire, depuis trois mois, même un peu plus, attends, j’ai écrit dans mon agenda, ok, donc depuis le 15 octobre, elle allait bien. Pas d’absences, pas de confusion ni de crise. Elle avait une job depuis six mois, pas un gros truc, commis dans un magasin de produits naturels, mais ça lui plaisait et elle était bien contente d’avoir d’autres sous que ceux du gouvernement. En tout cas, on était au chalet qu’elle avait réservé elle-même pis qu’elle avait payé toute seule. Après trois jours, elle a commencé à moins bien feeler. Je sais pas trop comment te le décrire. Un matin, je me suis levé, elle était pas dans le lit, elle regardait dehors, en robe de chambre. Quand je l’ai embrassée, elle a sursauté et c’est comme si elle ne me reconnaissait pas.

Écrire, lire, réfléchir: dans l’ordre ou le désordre.

Par |2016-12-21T15:12:51-05:0010 avril, 2013|Cours de création littéraire, Création littéraire, Dossiers thématiques, L'histoire commence. Atelier du roman, Textes de reflexion|

Si tu veux écrire, retourne à l’école, me suis-je dit. J’avais pris conscience du fait qu’être rédactrice n’est pas être écrivaine. Est-ce que je le deviendrai un jour? Qui sait? Une chose est certaine : une fois passée l’épreuve des premiers textes soumis au regard de l’autre, l’expérience est devenue en soi une source de plaisir et d’évolution. Apprendre à lire et à écrire autrement, à montrer plutôt qu’à dire, à faire vivre les personnages plutôt qu’à les interpréter, à sortir de ma zone de confort, m’a donné le goût du roman.

Mouton et mystère

Par |2016-12-21T15:13:01-05:002 avril, 2013|Cours de création littéraire, Dossiers thématiques, L'histoire commence. Atelier du roman, Roman, Textes de creation|

La classe attendait en silence la réponse. Le professeur prenait plutôt mal les remarques de son auditoire, et les élèves le savaient. Lord Dubuc lissa ses sourcils avec ses index, inspira longuement et se leva d'un bond. Il parcourut la classe de ses yeux, puis accrocha son regard sévère dans le fond de l'âme de la jeune fille qui avait osé: «Non, Ludmilla, je ne connais pas tout, mais j'ai tout fait. Je ne dis pas ça par prétention, mais bien parce que j'ai exercé mille métiers. Et vous saurez, mademoiselle, que celui de professeur d'histoire est bien le pire puisqu'il faut endurer tous vos commentaires impertinents.» Il prit un air froissé. Ludmilla croisa les bras et fit de même. Lord Dubuc sonda la classe pour voir si quelqu'un voulait en rajouter et se retourna vers le tableau.

Le roman en mouvement: essai réflexif sur l’art romanesque

Par |2016-12-21T15:13:09-05:0027 mars, 2013|Cours de création littéraire, Création littéraire, Dossiers thématiques, L'histoire commence. Atelier du roman, Textes de reflexion|

Je souhaite un roman en mouvement, un roman qui bouge et qui fait bouger. Petite précision : faire bouger quelque chose ne signifie pas nécessairement de plaire, mais aussi de choquer, de déstabiliser et de faire résonner ou vibrer quoi que ce soit chez le lecteur. L’important, selon moi, reste d’utiliser cette tribune que nous offre le roman pour dire quelque chose. Que l’histoire soit fantastique, poétique, réaliste ou quotidienne, elle doit porter une parole et un regard différents sur notre monde et sur la vie pour nous éclairer.

Si la solitude se boit, l’absinthe se déguste

Par |2016-12-21T15:13:18-05:0020 mars, 2013|Cours de création littéraire, Création littéraire, Dossiers thématiques, L'histoire commence. Atelier du roman, Textes de reflexion|

La solitude littéraire fascine. En dépit du fait que le concept du « besoin de solitude » ne soit pas exclusif au domaine littéraire, la solitude littéraire, elle, s’enveloppe d’une aura mystique. Il semble que, contrairement à la solitude pragmatique du chercheur en neurobiologie absoute à grands coups de c’est normal qu’il soit seul, il faut qu’il se concentre, bon sang!, la solitude littéraire a ceci d’incompréhensible que l’écrivain, lui, ne se concentre pas; il cherche l’inspiration.