Beige sur rose
Au début, elle aimait qu’on la regarde, de haut en bas et de bas en haut, comme on lèche une crème-glacée.
Au début, elle aimait qu’on la regarde, de haut en bas et de bas en haut, comme on lèche une crème-glacée.
Bertin, le journaliste attablé dans la salle à manger, plisse les lèvres. Il compatit. Ou il affecte de. Un site d’« informations urbaines » l’a envoyé de Montréal jusqu’ici, dans cette grande maison en pierres des champs où une femme retraitée vit seule depuis près de dix ans. Micheline a accepté l’entrevue pour que cessent les jugements, les harcèlements.
Mon père, oui. Papa est mort le 6 janvier 1946, le jour de l’ancien Noël. On pensait qu’il était en voie de rétablissement, il avait réussi à prendre un bon repas ce dimanche-là. Le premier depuis des mois.
Je suis dans ta chambre. Ta chambre emplie de choses que tu aimais : capteurs de rêve, collections de coquillages, montagnes de peluches.
Il faut penser positif parce que nous sommes vivants, dit papa, en citant les paroles de Lorenzo Jovanotti. Il enfile des perruques et fait des stépettes à la Chaplin tous les […]
Dans La peste, Camus montre comment l’épidémie a le pouvoir de nous faire désapprendre nos évidences. Cette nuit, même le site qui diffuse ma télésérie préférée bogue et je me sens seule au monde, comme des millions de confinés. Tu me manques.
1. Désirer / Les pierres colorées scintillaient. La lumière de la lampe étincelait sur leurs surfaces biseautées, invitant à la curiosité. Mais à mesure que l’enfant se rapprochait, les yeux écarquillés, sa mère déplaça les trésors hors de portée. Le mouvement fut fluide, réalisé sans cesser le maquillage ou la conversation.
Tu as une nouvelle voisine. Elle a emménagé dans la maison d’à côté, celle aux murs bleutés et au petit balcon qui menace toujours de s’effondrer. C’est une jolie demeure, tu as toujours trouvé. Ta préférée, de toutes celles du quartier.
L’aube n’intéresse personne. Qu’ils dorment. Moi je fume des joints et j’écris. S’ils savaient les couleurs que je vois dans mon insomnie. Les paquebots qui passent sur le fleuve sans faire de bruit. Leurs cargaisons multicolores dans le brouillard strié de fines gouttelettes pastel.
Ça sent le gaz de quatre-roues pis de chainsaw, encore. L’odeur reste comme les cicatrices d’un temps mort et oublié. Avec elle montent des envies de la même nature. Le goût de poigner le Big Bear rouillé pis de foncer dans les trails presque impraticables, à travers les champs du père. Jusqu’à me perdre.