Ce texte a été écrit sous contraintes dans le cadre de la Tentative d’épuisement d’une œuvre de Riopelle tenue au Musée National des beaux-arts du Québec le 5 avril 2013, pendant la Nuit de la création.

1.

il y a des petits oiseaux   et des souris mortes      au bord du ruisseau

 

2.

proies faciles      clouées      dans une mer d’encre   en spray

 

3.

la mer intrigante      la surface d’un nuage      dessous      l’aile d’un avion

 

4.

ligne d’œuf   l’œil poché

 

5.

ainsi meurent les jambons mélancoliques   au réveillon      derrière      le givre   et les décorations

 

6.

des clous   dans la paille en plastique   d’un panier de Pâques      version crucifiée   d’une quête artisanale      chercher une aiguille   dans une botte de foin   prend un sens   théologique

7.

on dirait d’abord      une marmotte   un poisson      c’est un phoque   sans doute   une hirondelle      elle s’étonne elle-même   de ces attributions

 

8.

robot futile   qu’aimerait Simon      il travaille le cuir   c’est un forgeron      Guillaume le maréchal   ferrant   à ses heures      des hublots de feu   cheveux   chevaux

 

9.

je n’ai rien à dire   en ma tendresse maladive      je côtoie des dieux   qui m’importent peu

 

10.

consciemment ou non      je le crains      l’auréole en feu   me tchoppe   l’arrière-train

 

11.

sourire posthume   dans la grisaille      j’ai trouvé le pot aux roses      je m’en repentirai      c’est certain

 

12.

j’aime cette forêt   qui m’attire   mais n’en retire rien      j’y sème des bonbons   et n’en retire rien

 

13.

ma dorure   cerclée de bleu      j’ai l’œil qui pleure   à mourir demain

 

14.

ce sont là      vagues insolites      l’espoir confus   d’un au-delà lointain

 

15.

je m’en remets   au dieu noirâtre      serviteur meurtri      de ses disciples évidents

 

16.

la plume noire      je m’en souviendrai longtemps      et le bec   et le bec      polymère tranchant

 

17.

les souris   se dissipent      fougères

 

18.

washer immaculé      un ange vu d’en haut      le Mexicain      lui      se reconnaît à son sombrero

 

19.

soleil   cous coupés      canes multipliées      cannes      petits noyés

 

20.

arc électrique      cheap apparition      je l’aime pourtant      malgré la vase   et le vent

 

21.

un pointilliste de renom   cité de travers      franchit la barrière      du camp de concentration

 

22.

calice caustique      il me délivre   de mes dons

 

23.

j’aime   la trace feuille   de l’automne poisson

 

24.

cœur de paille   fou   danse l’oiseau

 

25.

corps grossier   bec   museau      le reflet est plus beau      un cœur nu      rêve      l’avenir se déchaîne   au fond de l’eau

 

26.

je me décâlisse le soir      boule de ouate   électrique      danse le limbo

 

27.

mes éclats sarcastiques      n’atteignent      rien de moins   que les mots

 

28.

feu de Bengale   superposé      je ne regrette rien      c’est un amour en fuite   jusqu’à demain

 

29.

je ne regrette rien      plus mature      je ne regrette rien

 

30.

mon aile   mon œil   boule de quille      souriant      je l’atteins   presque      je l’atteins

 

31.

mon ange   à l’envers      ton rose me poursuit      l’écureuil sur sa branche   seul   m’ennuie

 

32.

j’exhibe   minutieux   mes restes flétris      un petit boat à rames   m’amène   au paradis

 

33.

j’aime écrire   dans la boue      flaque nuisance      encre      jusqu’au bout

 

34.

souriceaux      toujours au pied des toiles      combien s’exercent à aimer   dans les zones inférieures

 

35.

je ne regrette rien      mais je m’ennuie   c’est certain      ô   sombre courant      la tache      s’étend

 

36.

la contrainte araignée   mène au désir      les œufs de Chinoise      je n’y comprends rien      à la lumière des néons      ils m’apparaissent   enfin

 

37.

la nuée s’exhibe   la démence      il faudrait   faire plus d’enfants

 

38.

œufs frais   du jour      crème   peinture   fraîche      Pâques      est un thème récurrent

 

39.

j’entonne ce chant   gris serpent      sa mort      laisse le spectateur   indifférent

 

40.

ceci me blesse   je me crois puissant      j’exige le mystère      et me crois fuyant

 

41.

mon emprise   est limitée      ne me restent que les corps      lentement dévergondés

 

42.

je décâlisse   le support effectif   et vivant      mon amour se terre      entre les pattes   du serpent

 

43.

amoureuse lame   un poinçon d’argent      je reconnais le travail      vain enchaînement

 

44.

les mots viennent      lasers      traversés d’insuffisances

 

45.

je ne regrette rien      médiseuse de bonne aventure      tes œufs de sable chaud      me tiennent lieu de peau

 

46.

Jocaste      bienveillant      il faudra me souvenir   de tes gants

 

47.

gants jaunes   à vaisselle      sur la rive      ravissants

 

48.

je n’exprime rien   qui ne soit déjà nommé      par les mains expertes   de l’enfant      exercice de style      Riopelle vieillissant

 

49.

j’attends   le soc      la bouée féroce      je l’attends

 

50.

désir fébrile      une fois secoué      le meurtre   est évident

 

51.

longs pieds   grecs   je présume      l’influence des anciens   se ressent      c’est une oie   j’en conviens      et pourtant

 

52.

je souhaite la honte      au barbare   insolent

 

53.

trouées minimales      mon mystère   s’en ressent      je ne crains pas la brume      je cherche l’élan

 

54.

j’extirpe   la méfiance      de l’oie révoltée      ton insignifiance   ses ailes brisées      lettre à l’ami      que j’ai longtemps trahi

 

55.

caustique   François      murmures visages      c’est un œil à l’endroit   une aile à l’envers      je ne vois que toi      tranchant le doigt   de l’expert

 

56.

l’impression de tourner en rond   dans le désert      j’ai à la main   une grenade   un pinson      qui éclatera pour rien      je conçois pourtant   une aurore

 

57.

je crible mon élan   de déconvenues barbares      je n’ai d’autre élan   que ce démon      vêtu de noir

 

58.

vieille horloge   dans le garage      mon père oublie ses outils   lorsqu’il prend le large

 

59.

l’espoir   fatal   de la nuit velue      ma distance se mêle   à ton corps en crue

 

60.

je retourne me gaver   sur les berges tranquilles      le jambon cuit   est à l’honneur      c’est un heureux dénouement

 

61.

mon désespoir se teint   de robes roses      l’hélice fatale   déteint   sur les cailloux

 

62.

j’exige   une nonchalance vécue      exhibée      en présence   des derniers parvenus

 

63.

j’aime aimer l’écriture      mais sa présence m’agresse   lorsqu’elle s’impose à moi      je te superpose à l’hirondelle   et me défais de toi

 

64.

connerie      cette méfiance   à l’égard des rires constants      je mesure la distance   et m’effondre   lentement

 

65.

j’extirpe ces connaissances   d’un désir évident      toutes ces histoires ont un sens   que je dénigre   à présent

 

66.

extraordinaire arborescence   de la fougère      je garde mes distances      pour l’instant

 

67.

cette présence me trouble      insolite      fusain malmené      l’ombre qui me guette   se détache      poudroiement

 

68.

je suis      ongle qui vive   tranchant de soie      il faut le camouflage   et l’oubli de soi

 

69.

je mise sur l’homme en vert   lutteur de bonne volonté      ferveur ahurie   à moitié pardonnée

 

70.

l’innu me manque      je distingue l’influence   d’autres éléments

 

71.

cerne   le café d’un géant      la décadence est nette      le musée   tolérant

 

72.

cravates en deuil   sabreur compétent      l’Histoire rattrape   les marcheurs persistants

 

73.

dorure      mes médailles s’alignent      horizontales      je distingue mal   ce qui cause mon tourment

 

74.

le vase   passoire   recueille le sang      le saint Graal   nécessite quelques ajustements

 

75.

ces lumières de Noël   on y étend l’enfant      le mystère se perd   avec tous ces remaniements

 

76.

compte tes douleurs   danse avec moi      je suis l’ange poilu des profondeurs   aux ailes de nougat      mon masque me protège   de ton éclat

 

77.

pigeon créateur      la soudure illumine   ton masque de bois

 

78.

paysage      lointaine clôture      un accent   qui ne trompe pas      ma belle Saguenéenne   m’entraîne      dans les sous-bois

 

79.

c’est un refus assumé   je présume   une stratégie d’évitement      j’ai pour le non-dit   un amour   accordé naguère      au déjà-vu

 

80.

ton veston se distingue      exutoire feint      ta présence m’importune   je ne regrette rien

 

81.

à l’approche   des ailes      je me cabre soudain

 

82.

près de toi   la douleur      tu ne seras   ni le dernier      ni le prochain

 

83.

la horde signifiante   exècre les lointains      fulgurante cigale   je m’y rendrai demain

 

84.

il tombe des clous   sur la ville      métaphore usée      les tableaux du maître   sont hors de portée

 

85.

retour juvénile   de l’automatisme insolent      ne manqueraient plus que la lune   et les souffrances d’antan

 

86.

telles sont ces paroles jongleuses      lunes claires   que le mouvement   multiplie

 

87.

solitude   feinte   que l’informe guette      je ne suis plus de l’oiseau   qu’un vague squelette

 

88.

reprends-toi      Jourdain      le temps se pose      la roue   insolite   ne tournera pas en vain

 

89.

j’exige l’affluence      aux jours de grand tapage      je demeure pourtant   en retrait

 

90.

constatant que les fraises manquent      je peins un sang vertical      le gruyère fait le reste   et me tombe des mains

 

91.

c’est inhumain   dans la distance      je reste      fauve béant      mon tunnel commence   à l’ombre de ces mains

 

92.

démiurge fascinant   contemplant sa création      il vit l’extase      après moi   le poinçon

 

93.

vivrai-je   papa      assez longtemps      pour frôler la frontière      je ne suis pas de ceux   qu’apaise le grain

 

94.

idle no more   en contrepoint      Pepsi-Cola      c’est un martien

 

95.

j’expose la claque   et les heures   je suis homme de tous les temps      le temps est long   ma joie demeure       que vivent   mouettes et goélands

 

96.

Jonathan se souvient   de la danse   guitare      l’impressionnisme   convient aux mieux nantis      la gloire survient      l’oie répète   ce que l’on dit

 

97.

extrapolation fumeuse      je prétends la voir   seule   dans son lit      on me répond      que prétendre suffit

 

98.

on n’exécute rien   le ventre plein      l’oie funeste   se repend      Louis XVI ne dit rien

 

99.

on exagère   la blancheur de la neige      en hiver      la mort   pourtant      lui sied bien

 

100.

c’est une clique fermée      timidité      je monte à l’échelle      je prétends continuer   à marcher