Investir les marges

INVESTIR LES MARGES : OBJETS DE RÉFLEXION, LIEUX DE CRÉATION

Le présent dossier réunit certains textes issus de deux tables rondes qui ont eu lieu au Département de français de l’Université d’Ottawa le vendredi 25 avril 2014. Les tables rondes ont réuni des intervenants qui, par leurs postures, prises de position et démarches intellectuellement ou artistiquement « autres », par leurs objets d’étude qui favorisent la compréhension de certaines manières et pratiques essentiellement marginales, produisent des discours qui investissent l’altérité construite ou revendiquée pour la rendre créatrice de sens. L’intuition de cette activité était que les expériences limites, quelles qu’elles soient, participent toutes à l’élaboration du discours des marginaux de manière originale, conceptuelle et empirique.

Les textes réunis ici sont animés d’un désir de comprendre et d’investir certaines marges afin de voir comment la recherche et la création peuvent participer d’un discours créatif et savant sur celles-ci; il s’agit de réfléchir à la manière dont les artistes et intellectuel.les marginaux ou marginalisé.e.s (par l’institution ou le discours dominant – la doxa) arrivent à attester cette marge et à la rendre « positive » pour finalement s’inscrire singulièrement dans un milieu littéraire, artistique ou intellectuel.

Ce dossier réunit des chercheur.e.s et des artistes de différents horizons qui réfléchissent dans leurs textes à la notion de marge, à leur manière de l’investir, à la possibilité qu’une position ainsi irréductible à quelques variantes déterminées par l’institution puisse être fertile pour celui ou celle qui veut penser sa pratique ou ses recherches au-delà des différences.

C’est pourquoi nous conservons pour le présent dossier l’intitulé des tables rondes d’avril 2014 : ces gestes intellectuels investissent les marges, véritablement, pour leur redonner leur potentiel créatif, du point de vue de l’art comme du point de vue de l’épistémologie; réfléchir à de telles questions, de cette manière, est une façon de subvertir ce qui est déjà perçu comme subversif en le mettant au cœur de nos préoccupations universitaires, dans une perspective qui n’est pas du tout inconnue à la recherche-création tel qu’il est possible de la penser. Les discours réunis dans ce dossier sont à la fois des discours de recherche et de création et témoignent de la pertinence (et de la nécessité) de multiplier les angles et les approches.

Pierre-Luc LANDRY
Directeur du dossier

Pour une désorientation queer à l’université

Par |2019-03-05T01:04:27-05:0012 mai, 2015|Culture populaire, Dossiers thématiques, Etudes littéraires, Investir les marges, Table ronde, Textes de reflexion|

Par ce court texte je me positionne en tant que chercheuse formée dans un système euroaméricain entreprenant l’étude des littératures autochtones. Après avoir examiné plusieurs pistes en ce qui concerne ma recherche sur les littératures au Canada, dont une exclusion absolue des œuvres autochtones dans mon corpus, et après avoir lu une panoplie d’arguments à propos des relations de pouvoir problématiques se manifestant dans les études autochtones entreprises par les chercheur/ses européen/nes, je ne suis arrivée qu’à un début : la désorientation queer de la théorie.

Deux marges, un problème

Par |2019-03-05T01:06:03-05:0012 mai, 2015|Culture populaire, Dossiers thématiques, Investir les marges, Musique et chanson, Table ronde, Textes de reflexion|

Je suis au courant d’être une espèce d’anomalie dans le monde académique. [...] Or, il s’avère que, même si j’en suis très heureuse et très reconnaissante, je me pose des questions au sujet de ce succès, au sujet des bénéfices que me procure la marge. Dans le cadre de mes recherches sur la musique rock, je réfléchis souvent à la place que tient la rébellion dans la société.

S’in-dé-finir

Par |2016-12-21T15:10:25-05:0012 mai, 2015|Dossiers thématiques, Etudes littéraires, Investir les marges, Table ronde, Textes de reflexion|

La règle du masculin l’emportant sur le féminin dans la langue française, par exemple, n’est pas un accident ou le reflet d’un ordre naturel. Elle y transpose le rapport de domination que la classe des hommes exerce sur celle des femmes (Wittig, 1992), pour emprunter la terminologie du féminisme matérialiste. Elle le répète, le rappelle, le banalise donc en lui donnant une forme structurelle et en l’inscrivant dans une pratique quotidienne.

La fosse aux pions

Par |2019-03-05T01:09:09-05:0012 mai, 2015|Création littéraire, Dossiers thématiques, Essai, Investir les marges, Poésie, Table ronde, Textes de creation, Textes de reflexion|

Investir la marge, c’est assumer la part des ténèbres dans lesquelles le foreur laisse l’interlocuteur, c’est assumer l’inconnu, donc à l’aveuglette, c’est se prêter à l’interprétation, c’est se découvrir le flanc aux attaques de ceux qui sont au bord du gouffre. Investir la marge, c’est oser avouer que le forage est prévu mais non pas infaillible, c’est s’exposer au public en tant qu’agglomération de mésadaptés, c’est fournir à l’autre un point d’ancrage pour explorer l’autrement vrai et impossible.

Aborder le désir d’enfant en études littéraires : le cas d’Hervé Guibert

Par |2016-12-21T15:10:44-05:0012 mai, 2015|Dossiers thématiques, Etudes littéraires, Investir les marges, Table ronde, Textes de reflexion|

Sur le plan littéraire, l’érotisation de l’enfant apparaît comme un enjeu difficile à dénouer, extrêmement polarisant, où chaque parole prononcée est rapidement classée du côté de la condamnation ou de la légitimation. Il y a pour moi entre ces deux pôles un espace où la pensée est possible, où l’on peut chercher à comprendre, mettre en contexte, éclairer : l’institution universitaire. En ce sens, ma démarche ne cherche pas à dépasser la structure institutionnelle de l’université, mais à occuper son espace, qui est à certains égards toujours déjà en marge.