Tout le monde aime les incipit

TOUT LE MONDE AIME LES INCIPIT

« Ce que je sais le mieux c’est mon commencement. »
– Racine

Vestibule, disait Genette.

L’incipit. On passe le titre, on franchit le seuil du texte, on essuie ses pieds sur le tapis. Il y a un décor, c’est minimaliste, des peintures, des rideaux. On retire ses chaussures. Les toiles, des taches de couleur, paysages impressionnistes, on n’est pas sûr de comprendre ce que ça représente. On sait seulement que ça ne s’accorde pas avec les rideaux. Teinte de brun. Zébrés. Un petit quelque chose qui cloche, mais tout de même, cette étrangeté a du style, ça fait sens plus on y regarde de près. Enfin, il y avait bien quelqu’un pour organiser la déco. On se permettra un ou deux commentaires, et voilà, il changera ses rideaux si ça lui chante. Pour le reste, il faudrait faire le tour de la maison.

L’incipit. « Il a pour charge de faire les honneurs du lieu, en introduisant l’hôte dans la demeure, demeure que, de surcroît, tout en la représentant à ses yeux, il se doit de lui présenter. L’incipit est ainsi, en quelque sorte, la carte de visite du texte qui, à l’inverse de l’autre, est présentée par le maître du lieu à son visiteur pour l’inviter et inciter à y pénétrer. » (Kelly Basilio, « Incipit romanesque et coup de foudre amoureux », 2009)

Dans ce dossier thématique, on vous invite dans le vestibule, mais pas au-delà, c’est bête. Il faut savoir que les textes présentés ne constituent qu’une infime partie de projets encore en mouvement. Les auteurs se sont prêtés à l’exercice de la fiction inachevée. Étudiants du cours Écriture de fiction 1 (roman) donné à l’automne 2013 à l’Université Laval, ils ont écrit des romans, des débuts seulement, mais pour mieux écrire la suite après ; ils ont écrit des pages et des pages, semaine après semaine, et ils acceptent de ne vous livrer que le commencement. Un fragment. Un fragment qui ne vous révélera pas grand-chose de l’univers créé, mais qui, néanmoins, annonce un monde de possibilités.

Le cours souhaitait explorer les possibles de l’art romanesque. Ateliers d’écriture, conférence, discussions, réflexions, exposés oraux et lectures au programme : beaucoup de travail, une discipline, de la passion. Un défi : l’imaginaire et l’inusité au service de l’écriture. Pour cela, il fallait penser la littérature et lui donner un sens. Pour cela, il fallait visiter des œuvres pas évidentes et accepter de se poser tout un tas de questions. Pour cela, on se donnait bien des droits et du fil à retordre, mais on était dans ce cours parce qu’on avait envie de créer.

Juste ça, cette expérience du commencement, ça me semble justifier un tel dossier. Ça, et aussi, on le sait bien, tout le monde aime les incipit.

Directrice du dossier :
Cassie BÉRARD

La Rousse

Par |2016-12-21T15:23:50-05:003 février, 2014|Cours de création littéraire, Dossiers thématiques, Roman, Textes de création, Tout le monde aime les incipit|

Son cœur bat dans sa queue. Il me serre les hanches. Je m’amuse à faire danser mes cheveux. Ils se répandent partout sur la peau laiteuse de ma conquête. William devient roux à son tour. Des points de rousseurs lui poussent sur les pommettes. Du roux partout. Une orgie de roux dans un appartement en carton.