Cassie Bérard

HANTISE DE LA SPÉCIALISATION

Les fragments narratifs écrits en 2014 dans le cadre de la résidence du Crachoir de Flaubert se présentent comme une réflexion sur les angoisses qui accompagnent la fin des études doctorales. Jeu entre fiction et autofiction, cette série délirante met en scène une jeune docteure en littérature qui se fait intercepter par deux hommes en noir, louches, secrets. Ils requièrent ses services pour une affaire particulière : elle est spécialisée en narration non fiable. De fil en aiguille, la jeune femme devra vaincre l’incertitude, la solitude, le jugement des autres, et reconsidérer ses acquis, son savoir, à la lumière d’un tout autre univers… moins conventionnel.

6. Le procès de C

Par |2016-12-02T13:42:09-05:0022 décembre, 2014|Cassie Bérard, En résidence|

Des fiers-à-bras m’agrippent par derrière, je me débats. Où me laisseront-ils? Aux personnages non fiables on réserve l’hôpital ou la prison… Je voudrais m’adresser au narrateur. Le convaincre. Comprendre son motif, son intention. J’essaie de réfléchir à une diversion. Les théories de la non-fiabilité, tour à tour, me reviennent. Il doit bien y avoir un argument, une parole que je pourrais lancer pour semer le doute, le désordre, réclamer un sursis.

5. Les locataires de l’ombre

Par |2016-12-02T13:42:46-05:0026 novembre, 2014|Cassie Bérard, En résidence|

Cependant, je n’ai pu m’empêcher de remarquer le petit calepin dans lequel l’homme inscrivait des notes dès que je prononçais un mot. David et moi dissertions sur les différences entre le narrateur faillible et le narrateur indigne de confiance ; il s’empressait de griffonner. David et moi débattions de la non-fiabilité du narrateur discordant ; il griffonnait.

4. Le paradoxe du menteur

Par |2016-12-02T13:43:28-05:0017 septembre, 2014|Cassie Bérard, En résidence|

Le vagabond se redresse, il dégage une odeur de vieille chaussette et, quand il parle, une haleine aigre à me lever le cœur. Je songe à hurler pour que surgisse dans l’arrière-cour mon historien de propriétaire, je veux me barricader, appeler la police, mais je fixe plutôt la mallette. Je pense : le hasard n’existe pas.

3. Le dire à David

Par |2016-12-02T13:44:02-05:0014 août, 2014|Cassie Bérard, En résidence|

Fidèle à son zèle, David m’a ramené de la bibliothèque des tonnes de livres de théorie; la plupart, je les avais déjà lus pour rédiger ma thèse, mais il fallait recommencer, m’ordonnait-il, relire et relire et s’assurer de tout comprendre, devenir l’experte des données sous-jacentes, n’en laisser passer aucune, connaître le sujet sur le bout des doigts, savoir pointer le menteur sans jamais se tromper.

2. La triste agonie du cloporte

Par |2016-12-02T13:44:38-05:0016 juillet, 2014|Cassie Bérard, En résidence|

Je ne pouvais plus compter les heures depuis qu’on m’avait assise sur cette chaise – de béton, on aurait dit –, dans cette pièce inquiétante aménagée comme un cube. Je sentais mes reins craquer, ma raison me répétait de partir, mais la tapisserie surchargée m’empêchait de déceler une porte pour m’enfuir. Évidemment, aucune fenêtre, aucune issue.