Pascal voulait un enfant.

Aux pieds d’Aurélia, des étoiles rouges. Petites constellations éphémères et insolentes sur la faïence blanche de la douche que le flot tiède s’acharne à effacer. L’eau emporte sans état d’âme la sueur, la fatigue, l’insomnie et les étoiles. Obstinément, chaque mois, de nouvelles gouttes de sang éclatent au sol.

Pascal voulait un enfant. Elle était si belle, si fraîche, si vivante.

Le col roulé et la jupe noirs gomment d’un trait le corps maigre d’Aurélia qui glisse jusqu’au miroir, ignorant la clameur du soleil qui cogne à la fenêtre. Machinalement, sans se regarder, elle lisse ses cheveux puis les attache en une queue basse.

Pascal voulait un enfant. Mais pas d’adoption.

Sur le visage diaphane d’Aurélia, le rouge à lèvres carmin perd sa sensualité, n’est plus qu’une plaie ouverte.

Le médecin a été formel. Après trois inséminations, il faut renoncer. Pascal ne s’est pas rebellé. Il a renoncé à Aurélia.

Elle se décide enfin à laisser entrer le soleil du printemps pour désinfecter l’atmosphère de la chambre. La ville est baignée d’une clarté paisible. Aurélia baisse les yeux. Et voilà qu’à travers les géraniums desséchés, elle voit l’enfant. Comme celui que son ventre aurait dû donner à Pascal. En bas, sur le trottoir, il est là, gazouillant et gigotant dans sa layette pastel. Couché dans son couffin. Elle sait qu’il la regarde à travers ses cils de soie. Le coeur d’Aurélia se recroqueville sous la brûlure de ses entrailles, aspirées par le souffle du nouveau-né.

Un enfant. Voilà tout ce que désirait Aurélia. Un enfant à aimer avec Pascal.

Ce bébé s’offre à elle, auréolé de soleil. Faut-il accoucher pour donner le jour un à enfant? Mettre au monde par l’amour aurait suffi à combler Aurélia. Dans son ventre sec, elle voudrait glisser l’enfant qui babille, en bas, puis déchirer son sexe, comme le voulait Pascal.

Toute son âme tangue et plonge vers le couffin frétillant. Aurélia ferme les yeux pour immortaliser l’instant fugace : sentir enfin un enfant dans sa chair, rien qu’une fois. Et son corps fantomatique bascule dans un bonheur inespéré.

En bas, sur le trottoir, une étoile rouge étale son éclat luisant autour du corps vêtu de noir. De sa bouche au rouge à lèvres carmin s’écoule un filet de sang. En dessous, un bébé, écrasé par un amour fou, fait corps avec le ventre d’Aurélia.