[information]Ce texte a été rédigé dans le cadre du cours de création littéraire donné à l’Université d’Ottawa par Michel A. Thérien à l’automne 2014.[/information]

À force de vouloir atteindre l’idéal de l’adulte,
Celui sérieux, qui écrit beaucoup, lit beaucoup,
Aime quand il a le temps, et ne croit à peu près plus,
On oublie comment personne n’était capable de dessiner
Un beau bonhomme allumette au début.
L’humanité s’est trop longtemps cherché un dessein,
Et elle est devenue sans dessin.
Et on se demande pourquoi tout ce qui existe
Est fait au crayon de cire sur des boîtes de céréales.

Julidas de Swen

 

DES HUMANITÉS DÉGUISÉES EN CONTES
POUR FAIRE DORMIR LES ENFANTS

 

[heading style= »subheader »]ET TOUT COMMENCE AVEC UNE SOURIS[/heading]

Puis viennent la neige et la suie,
St-Francis aux lèvres de feu
Un savoir empoisonné,
Vie s’écrit maintenant Vii
Et on foudroie un miroir.

À Paris,
Une femme aux cheveux noirs d’Inde
Des bras fins recouverts de foulards

Des hanches comme un coup de cravache
Une chèvre et une émeraude
Des gargouilles qui crachent du feu sur l’Église et son Dieu
Des gitans qui dansent sous les bombes
Alors qu’on pend un bossu sur le parvis de Notre-Dame
Asile!

Dans un navire,
Des sirènes se peignent avec des fourchettes,
On embrasse des statues
Et sauve des hommes
À en perdre la voix

Alors que dans une plaine enflammée
Une cicatrice et des griffes laissent une bénédiction collante
Sur le front d’un orphelin qui existera
Entre une carcasse d’éléphant et des insectes sous un arbre

Aux côtés de souris couturières,
D’une invitation à en suer une
Avec un mirage dans une cheminée,
Un peu de magie,
Et des souliers d’homonymes.

 

 

[heading style= »subheader »]CLICHÉ D’ENFANCE[/heading]

C’est ma mère qui m’a fait manger
Les meilleures claques sur la gueule,
Et quand j’avais la chienne,
Il fallait la mettre dans une cage
Et arrêter de chier des briques,
Parce qu’il n’y avait plus de place,
Entre les murs qui avaient des oreilles
Et le sol qui grinçait de rire.

 

 

[heading style= »subheader »]UN JEU D’ENFANT[/heading]

Nous sommes maintenant dans une chambre d’enfant,
Des fantômes dansent sur les murs,
Le diable patiente sous le lit,
Des dragons dorment au fond des tiroirs,
Des fées valsent près de la veilleuse,
Et des ombres se faufilent entre leurs ailes

Sur le lit, une forteresse en duvet,
L’imprenable Constantinople,
Les Croisés qui dévorent les enfants
Les turbans des oursons
Au ventre de coton
Des billes de ferveur
Des croyants qui protègent leur dieu
Et jamais l’inverse

Dans les yeux de l’enfant,
Les flambeaux frémissent,
Il faut tenir jusqu’au matin.

 

 

 

AVOIR DES BRIQUES ATTACHÉES AU VISAGE AVEC DE LA DENTELLE EMPRUNTÉE
À CES FRAGMENTS DE LUMIÈRE QUI SE CHERCHENT AU COIN DES RUES

 

[heading style= »subheader »]HAIKU DES COINS DE RUE[/heading]

Des putes à bretelles
Deux branlettes pour que ça tienne,
Bungee à genoux

 

 

[heading style= »subheader »]DENTELLES VOCALES[/heading]

La logique des Lumières a transformé nos têtes en bordels.
On s’abandonne sous les portes cochères
De ceux qui ont le temps de se masturber,
Nos idées ne sortent plus qu’en jets
Qu’on essaie d’habiller le mieux qu’on peut.
Dix mille ans d’humanité pour 26 lettres
Qu’on utilise pour mieux faire danser les salopes qu’on a dans la tête.

La parole c’est la scène, c’est glissant à cause de la salive
Alors c’est tellement facile de se casser la gueule,
Des talons aiguilles, c’est pour jouer au soccer,
Pas pour se pendre à des lèvres
Il faut aller vite, dans le sablier
La poudre est blanche
Le temps linéaire

Le tip,
C’est celui d’un iceberg enfoui dans le sable,
Si tu veux en voir plus,
Il faut que tu te mettes à genoux
Et que tu fasses semblant de creuser,
Va
Viens
Va
Viens
Jusqu’à ce que tu trouves du pétrole
Ou des diamants.

Alors là tu as le droit de t’ouvrir la gueule,
Pour cracher,
Parce que si tu avales,
Tu as tout fait ça pour rien.

Vas-y ma grande, dis-moi ce qui te court dans la tête
Il doit bien y en avoir là aussi,
Des ombres en dentelles.

 

 

[heading style= »subheader »]INSTRUCTION : PLANTER SOUS UNE PIERRE, NE PAS ARROSER[/heading]

J’aurais fait une excellente fougère
Il y a toujours les mêmes trois prostituées au coin de la rue
Marie elle est belle, mais elle n’est pas belle tout de suite
Moi ça fait dix ans que je la connais
Les deux autres sont toujours occupées quand je passe devant

J’aurais fait une superbe fleur de pissenlit
Marie porte toujours un souvenir du soleil
Elle pense toujours à demain et jamais au moment présent
Parce que ce n’est pas amusant de vivre à la lueur des petites lumières de chars

J’aurais fait un magnifique perce-oreille
Il ne faut pas la faire chier Marie
Elle m’a déjà crié après avec ses talons d’aiguilles
Des petits têtards comme toi j’en mange des milliers pour souper

J’aurais fait un bon enfant
C’est étrange de se faire frôler par un cintre
Alors qu’on ne sait même pas s’habiller
Et qu’on entend Marie pleurer
Avant même de l’avoir payée.

 

 

LA PLUIE EST UNE INVITATION À DANSER SOUS DIX MILLE ANS D’HUMANITÉS

 

 

[heading style= »subheader »]UNE DERNIÈRE NUIT[/heading]

Un bras mort dévoré de fourmis,
La chaleur primordiale,
165 livres d’odeurs et de sons
Des cheveux tordus de chaos,
Du miel et du charbon,
Des yeux entrouverts,
Un souffle régulier,
L’horloge qui me rappelle
Que dans une heure

 

 

[heading style= »subheader »]LES MYSTÈRES DE MYTHRA[/heading]

Ils nous ont apportés devant celui
Que tu as appelé père toute ta vie
Dans une salle aux murs d’onyx
Où seul le marbre permet d’espérer

La reine n’est pas là
Son trône vacant frappe plus fort
Que le sceptre du roi

Un coup et nous sommes les deux à genoux,
Les paumes liées même si seulement jointes
Des marins se tortillent sur le sol
Après trois heures de ténèbres

Le roi proclame aux aveugles
Nos regards se croisent
La boîte de Pandore s’entrouvre de nouveau
Tous tes maux et mon espoir

 

 

[heading style= »subheader »]PARACHUTISME[/heading]

Ça commence par un sourire volé au hasard
De grandes ampoules comme dans un phare
De la buée dans un avion
Nos intestins entrent en fusion

On a peur de se regarder
Méduses dans une chambre à coucher
De mur en mur rempli de miroirs
Il ne fera jamais assez noir

Des coups de poing sur Notre-Dame
Un homme de fer dans la Bastille
Des oraisons parties en flammes
Qui explosent et s’éparpillent

 

 

Dans les allées d’une épicerie,
Deux écureuils, des saloperies,
Se cassent la gueule près des néons
Tout un amour sans condition

Et on se déplace au Nigéria
Près d’une colline en verre de roche,
C’est le mariage d’un koala
Et d’un lion au son des cloches

Ishtar l’histoire de la nuit des temps
Manger survivre en se trucidant
S’ouvrir la tête à coup de pierre,
Offrir son âme à la lumière

Venise la Reine des fondations,
Un carnaval de componction
Éros l’enfant nous a trahis
Derrière le masque que des conneries

Tout un sourire volé aux dieux,
Même le Coran n’a pas fait mieux
On parle d’amour comme d’oxygène
Mais c’est aimer qui nous enchaîne,
Par deux par deux on se jette en bas
Il y en a juste un qui survivra.