décédée à 26 ans c’est moi aujourd’hui c’est moi demain    je bois tes paroles tu mets des mots sur mes révoltes je nous vois toutes les deux    à quelques décennies de distance      je marche dans les traces de tes pas laissés sur le sable mouillé des plages du Maine    tes traces s’estompent j’y mets mon pied pour ne pas te voir disparaître

je t’écoute faire un bilan de ta vie je pleure de t’entendre parler à l’imparfait 26 ans c’est moi aujourd’hui c’est moi demain pourtant je ne sais pas faire de bilans    je sais nouer des lacets je sais faire une omelette je sais déposer des lettres dans la boîte aux lettres je ne sais pas le violon je ne sais pas la véritable couleur du ciel je ne sais pas mourir

nos identités en fragments tu dis que la maladie te remplit de silences    parfois je me fais croire que je connais bien les hôpitaux    mais je n’ai jamais eu cette peur au ventre cette impression que le temps m’échappe je n’ai jamais vu mon souffle s’éteindre je n’ai pas connu les angoisses de ma propre perte les paroles qui s’étouffent entre deux jets de cortisone les visites de mes proches déjà liquéfiés    l’importance obsessive accordée à chaque verre d’eau

26 ans c’est moi aujourd’hui c’est moi demain j’irai encore au fleuve je sentirai encore le vent sur mes épaules encore la glace sur tes épaules encore les bernaches qui reviennent du sud je les verrai elles chanteront je les connais je les ai vues déjà j’espère que toi aussi

marie tu nous tiens toutes dans tes bras en même temps marie avec moi tu ne mourras pas      marie j’ai 26 ans aujourd’hui j’ai 26 ans demain marie je t’ai citée dans mon recueil ici personne ne t’oublie ici ta parole réside résidera marie compte sur moi tu ne disparaîtras pas une seconde fois