Depuis ton départ, l’appartement est silencieux. Quand il pleut, l’eau coule par un trou dans le plafond, croupit sur un coin de plancher. C’est là que je me mets pour pleurer.

Je ne l’ai pas fait en portant tes cartons, pas même en faisant le ménage de ton côté de notre pièce double où tu t’étais installée.

 

Toi et moi, sous le même toit, trois mois durant, en quarantaine alors que notre histoire venait de se terminer.

Étrangement, ça s’était bien passé. On était tous les deux; j’étais même heureux, moins malheureux, de ne pas me retrouver seul. Pourtant, seul, je l’étais quand même un peu.

On avait refait l’amour, une fois, au début, comme pour conclure un contrat; et puis jamais plus. On avait enlevé les photos du miroir, les cœurs sur la porte d’entrée, pour ne pas perdre la mémoire. Mais bientôt, j’avais oublié, ou je n’ai jamais pu. Un double déni, doux comme le printemps qu’on n’a pas vu.

On était pris par la pandémie, dehors, par le prix des loyers, par l’appartement que ni toi ni moi n’avions la force de quitter. Nos voisins, le propriétaire, ne savaient plus quoi penser. Enfin, on avait eu cette discussion; d’un trait, ton nom à côté du mien, sur le bail s’en était allé.

 

Tu es partie, je suis resté. J’ai fait le vide de nous. Quelques meubles nouveaux ont rempli ta pièce pour mieux t’en déloger. Mais je n’ai pas bougé, et les ventilateurs que j’ai achetés ne soufflent pas mes idées noires.

De ma fenêtre fermée, je n’entends plus que la pluie sur les vitres et derrière les rideaux tirés, il n’y a rien à voir. Je passe couché de trop longues heures, replié sur une sombre langueur. La vie au-dedans s’est arrêtée.

L’été, néanmoins, s’enfuit encore; déjà, c’est hier. Je ne sais pas comment je vais faire. Quand le virus et la neige auront tout reconfiné, je n’aurai plus les rues par où m’en sortir.

Ma porte verrouillée, je ne suis pas sûr de vouloir traverser l’hiver cette fois-ci.

 

Un autre jour viendra, je le sais; je serai prêt : je déménagerai. Je fermerai notre porte une dernière fois; l’appartement s’effondrera derrière moi. Ne me suivront que nos souvenirs heureux, et une annonce sur Kijiji.

Vite avant que le froid ne gèle la serrure et ne m’enferme avec lui.