Portrait de l’artiste en intellectuel

La question de la pensée intellectuelle dans la création littéraire est présente tant dans les salles de classes, dans les ateliers d’écriture que dans les pratiques individuelles des auteurs. Tantôt conscient des enjeux intellectuels de sa création, tantôt indifférent voire réticent devant une telle question, l’écrivain n’est que rarement appelé à s’exprimer, à l’extérieur des balises de son œuvre, sur les inquiétudes et les espoirs qu’il entretient concernant la portée intellectuelle de son écriture.

À trop réfléchir la littérature, sa forme et sa manière de refléter les discours, l’écrivain court-il le risque de l’enfermer dans le littéraire? Mettre la création littéraire au service de grands enjeux philosophiques ou sociaux peut-il entraîner l’étiolement de la beauté comme valeur première de l’écriture? En contrepartie, la création ignorante des évolutions des esthétiques littéraires ne laisse-t-elle place qu’à des œuvres naïves?

D’un point de vue général, le fait littéraire trouve son intérêt dans la popularité du livre, dans son accessibilité, dans le pouvoir qu’a l’imaginaire de rejoindre une multiplicité de lecteurs par la représentation et l’identification à laquelle il prétend. D’un point de vue restreint, l’expérience littéraire est recherchée avant le « plaisir naïf »; la profondeur formelle d’une œuvre, sa résonance narrative, son effet d’étrangeté constituent la richesse d’une littérature capable d’aller au-delà des sens.

Le colloque « Portrait de l’artiste en intellectuel : enjeux, dangers, questionnements », qui a eu lieu à Québec en octobre 2012, visait à exposer cette dualité du fait littéraire, à ouvrir ses portes à de nouvelles questions propres aux pratiques créatrices – le créateur qui discerne plutôt qu’il n’analyse, qui qualifie plutôt qu’il n’interprète – tout comme à de nouvelles hypothèses proposées par autant de créateurs, de professeurs, de chercheurs que d’étudiants. Ce sont différents outils et manières de concevoir la littérature qui se sont rencontrés à l’occasion de cet événement. Le colloque, en effet, a permis de construire un espace de discussions, d’échanges et de réflexions sur le sujet, que les textes de ce dossier thématique sauront faire revivre.

Quelle est la place de la pensée intellectuelle dans la création littéraire contemporaine?

Directeurs du dossier :
Benoit DOYON-GOSSELIN, professeur (Université Laval)
Cassie BÉRARD, doctorante (Université Laval)
David BÉLANGER, étudiant à la maîtrise (Université Laval)

L’expérience du retrait dans la création

Par |2016-12-21T15:18:54-05:0017 avril, 2013|Colloque, Création littéraire, Dossiers thématiques, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

Précisons tout d’abord que le terme « retrait », n’étant pas défini par un objet indirect ou par un complément circonstanciel (retrait de quoi? de où?), s’est pensé à partir de deux aspects en interrelation : le retrait de la société offre la possibilité d’un retrait de soi. C’est précisément cette double expérience du retrait qui permettrait à l’écrivain de définir un nouveau rapport à soi et au monde, rapport mettant directement en jeu sa corporéité, sa conception du temps et de l'espace, et plus globalement son système de valeurs.

L’acte poétique: un geste d’intellectuel

Par |2016-12-21T15:19:06-05:0011 mars, 2013|Colloque, Création littéraire, Dossiers thématiques, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

Avant toute chose, j’aimerais apporter quelques considérations générales sur la thèse en recherche-création, celle-ci s’imbriquant naturellement au thème du colloque. Au fil des ans, cette thèse a pris sa place grâce à la ténacité de ceux qui ont cru à la valeur scientifique d’une pratique dont les multiples avenues révèlent un caractère bien singulier. Les professeurs-chercheurs impliqués dans ce programme universitaire relativement jeune ont balisé un terrain à l’intérieur duquel une question parvient tout de même à resurgir maintes fois : de quelles natures doivent être les liens entre la création et l’essai? Langages conceptuels et langages métaphoriques s’entrecroisent mais encore faut-il que cette cohabitation devienne opérationnelle. Voilà un enjeu fondamental. Et, dans l’essai, comment intellectualiser le travail de création qui est, en soi, un ouvrage intellectuel? Il n’y a pas de réponse simple et unique.

Houellebecq artiste penseur

Par |2016-12-21T15:19:14-05:0027 février, 2013|Colloque, Dossiers thématiques, Etudes littéraires, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

Il serait juste de qualifier le monde de Houellebecq de « [b]ourse des corps » en empruntant l’expression à Pascal Bruckner dans Le Paradoxe amoureux. Cette bourse trace une hiérarchie sociale dans le fourmillant système du sexe. Et, pareillement à la bourse d’argent, il y a de gros joueurs et de grands risques, des potentiels modestes ou monstrueux, des cotes promues, déchues, des chutes d’indice, progressives ou dramatiques. Des envolées vertigineuses, de bonne fortune ou de travail ardu. Des hasards, des krachs. Mais aussi des retraits et des ventes, des reculs. Des joueurs prudents, des défections, des faillites. Des démissions, des dépressions et des suicides.

Contre le « totalitarisme théorique » : plaidoyer pour une littérature intellectuelle parmi d’autres

Par |2016-12-21T15:19:22-05:0013 février, 2013|Colloque, Création littéraire, Dossiers thématiques, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

On reproche à certains créateurs en milieu universitaire de flirter avec les théories et de produire ainsi une littérature qui leur serait étrangère; il se trouve en effet des intervenants prêts à défendre une littérature basée uniquement sur le plaisir de la lecture. Serait-il possible, toutefois, d’imaginer une posture réunissant les deux extrêmes, c’est-à-dire une posture de chercheur, d’écrivain, d’étudiant, de professeur, etc. ­– aussi légitime dans ses ambitions et littéraires et intellectuelles? M’est avis que oui. Et que l’université, en tant que terrain de jeu, espace de formation, lieu de discussions et d’apprentissage, est l’endroit idéal pour la pleine expression de ce type de recherche-création, chose hybride, étrange, à mi-chemin entre ceci et cela, entre recherche et création, entre écriture et réflexion, entre réflexion et création, etc.

Le roman étudiant : démon de la création littéraire québécoise?

Par |2016-12-21T15:19:38-05:006 février, 2013|Colloque, Création littéraire, Dossiers thématiques, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

Le problème du «roman étudiant» serait, à en croire les propos de Ricard, qu’il ne répond pas précisément aux exigences du milieu de l’édition que lui-même prétend servir – mettant de l’avant son statut d’éditeur chez Boréal. Donc, le «roman étudiant» aurait ce «défaut» de n’être pas tout à fait conforme aux attentes de l’édition québécoise, mais la «qualité» de répondre à d’autres normes, de s’inscrire dans une visée littéraire et réflexive réglée par le contexte dans lequel il est créé, soit l’université, et d’approcher ainsi certaines notions théoriques ou esthétiques complémentaires à la démarche plus intuitive de création.

L’art et la vie : La pensée dans les poèmes de Tarkos et Pennequin

Par |2016-12-21T15:19:48-05:0030 janvier, 2013|Colloque, Dossiers thématiques, Etudes littéraires, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

Le rapport entre l’art (ou la littérature) et la «vie» et le rôle qu’y joue cette étrange et immatérielle faculté que nous avons de «penser» n’est pas un problème nouveau, tant s’en faut. Dans le champ littéraire, les dichotomies entre abstrait et concret, langage et réel, signe et référent, forme et fond sont bien ancrées dans nos schémas de pensée et constituent des motifs de doléances récurrents chez l’écriveur dès lors qu’il «se regarde écrire». Elles peuvent même servir de moteur de l’écriture, comme c’était le cas, au départ, du «récit dysfonctionnel» qui compose mon mémoire universitaire. Or plus j’avance dans mon écrit que d’aucuns qualifieraient d’«intellectuel», plus je constate l’impasse vers laquelle je me dirige, et plus je sens la nécessité de traduire (fût-ce utopique) une expérience de vie réelle, bref de rendre mon récit «fonctionnel». J’ai l’impression que la valeur de mon œuvre ne réside pas tant dans son «intelligence» ostensible, que dans une «ingéniosité» retenue autorisant la «reconnaissance» et le «partage» d’une expérience de vie par un éventuel lecteur.

Penser la création artistique : les Leçons de Francfort d’Ingeborg Bachmann

Par |2016-12-21T15:19:56-05:0023 janvier, 2013|Colloque, Dossiers thématiques, Etudes littéraires, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

La littérature est fondamentalement étrangère à notre monde, à ses catégories; elle a un autre rapport au temps, à l’espace et au réel. Ce qu’elle vise, ce n’est pas la reproduction du réel, car c’est une tâche impossible, jamais terminée, vaine, mais sa violation pour sa transformation. Pour Bachmann, la seule fonction d’un poème est d’aiguiser la mémoire. Il ne s’agit pas de se rappeler par cœur d’un poème, d’apprendre le nom de certaines figures de style. Il ne s’agit pas, non plus, d’une mémoire qu’on acquiert à force de répétitions, comme pour les tables de multiplication. L’empreinte que laissent en nous certaines œuvres est irrationnelle et incompréhensible et n’est pas non plus, étrangement, la trace de quelque chose de réel, c’est-à-dire que le souvenir lié à l’art n’est pas la simple image-reflet d’une réalité enregistrée dans notre mémoire.

Un cas de folie écrivaine : L’affaire Millet

Par |2016-12-21T15:20:06-05:0021 janvier, 2013|Colloque, Dossiers thématiques, Etudes littéraires, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

Délire paranoïaque, passage à l’acte : s’agit-il de folie ou d’un usage douteux de la fiction dans la sphère publique? Avec le scandale littéraire, on a l’impression que la ligne de séparation entre la fiction et la réalité a été franchie. À moins que ce ne soit qu’une forme de folie passagère dont seraient atteints, parfois, certains écrivains? C’est la question, le doute et l’inquiétude que le scandale de cette Rentrée littéraire a ravivés.

La chanson comme support de la pensée intellectuelle

Par |2016-12-21T15:20:13-05:0014 janvier, 2013|Colloque, Dossiers thématiques, Musique et chanson, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

La chanson populaire constitue un tremplin idéal pour quiconque veut rejoindre la masse, un médium de choix pour l’artiste intellectuel qui souhaite inscrire sa pensée dans la sphère publique. La musique répond en effet à ce besoin d’instantanéité, de concision et d’accessibilité qui prévaut de plus en plus dans la société actuelle, incarné notamment dans les réseaux sociaux du type Twitter (accès facile et rapide à tout ce qui se passe, dans un nombre limité de caractères). Facile à transporter, n’exigeant pas nécessairement d’efforts pour l’apprécier et capable de livrer un sens dans une limite temporelle assez restreinte, la chanson comporte plusieurs qualités formelles qui en font un vecteur important de la construction identitaire et de la transmission de la culture à l’heure actuelle, en plus d’éveiller les consciences quant à divers enjeux sociaux, politiques et environnementaux.

Pile et face : l’essai littéraire, pensée et création

Par |2016-12-21T15:20:20-05:007 janvier, 2013|Colloque, Création littéraire, Dossiers thématiques, Portrait de l'artiste en intellectuel, Textes de reflexion|

L’objet central des essais de romanciers, c’est encore la littérature – la littérature comme art, la littérature comme appartenant à la culture, la littérature comme lieu de relation avec la vie, les autres, soi et le monde. Pourquoi et comment écrire? Qu’est-ce qu’écrire? Quels sont les rapports entre la littérature et le «réel»? Parce qu’il permet l’argumentation et la mise en jeu d’idées, l’essai peut se saisir de dimensions parfois difficilement appréhensibles par les romans, qui risquent à tous moments d’être accusés de souffrir de dérives morales ou politiques ou encore d’intellectualisme.