[information]Cette création sonore a été réalisée dans le cadre de Faites court!, dont le thème était métamorphose. Ce concours a été organisé conjointement par l’université Rennes 2, l’Université Laval et Le Crachoir de Flaubert, et s’est terminé le 16 février 2015. Dragos Chiriac a remporté le deuxième prix (ex æquo) du concours du volet création sonore de l’Université Laval.[/information]

J’ai composé cette pièce à partir d’un poème que j’ai écrit : il s’agit de l’histoire, un peu bête, d’un oiseau victime de sa négligence.

L’Oiseau

Éprouvons ce drôle d’oiseau
Voyons quelle est sa limite
Puisque laid, figé, ermite
Il est gracieux, ce corbeau

Il a trouvé sa pitance
Sottement prenant la manne
L’emporte sur sa longue liane
D’où il règne avec aisance

Les jeunes ont fini les classes
Voyant l’oiseau, ils cueillent un galet
Qui brise l’air en coup de fouet
La cible chute avec masse

Ô pauvre oiseau droitier myope
Son intuition l’a trompé et il écope
Ô pauvre oiseau droitier myope
Son intuition l’a trompé et il écope

Je désirais que le ton soit le plus neutre possible, ou sans implications morales claires. J’avais en tête un ton narratif et un visuel pour l’histoire plutôt positifs, comme quand on observe avec émerveillement la beauté « élémentaire » et sans opinion de la course causale et prédéterminée des astres. La finale répétitive est en même temps une lamentation et une incantation pour « ressusciter » l’oiseau décédé. J’imaginais l’esprit lumineux de l’oiseau transfiguré, dansant joyeusement dans les airs au-dessus de son corps et autour des enfants. La chanteuse (Odile), qui était alors au baccalauréat en musique, a chanté le morceau pour moi. Par question de goût, je n’ai gardé que la finale du poème (de l’incantation), que j’ai fait jouer à l’envers : mettre cette section à l’envers a fait, par un heureux hasard, ressortir une suite mélodique et une gamme qui n’étaient pas du tout similaires à ce que j’avais composé au départ, mais je trouvais que l’effet incantatoire était vraiment mieux réussi ainsi. J’ai usé des timbres d’instruments très riches qui se rapprochent parfois du bruit et qui faisaient résonner harmoniquement leurs quintes supérieures, afin de créer une ambiguïté dans la justesse des mélodies, tout en évoquant, avec les quintes, un sentiment liturgique. Il y a également beaucoup d’effets spatiaux pour exacerber le nouveau statut éthéré et transfiguré qui parvient à son apogée à 01:54, lorsque la résolution harmonique a cours et que la basse cesse son ostinato. À 03:08 je conclus, avec les paroles jouées à l’endroit, en rappelant cette métamorphose par une résolution classique-baroque IV-V7-I, tout en ajustant la hauteur de l’ensemble des instruments en les faisant passer graduellement de leur tonalité originale vers leur quinte inférieure pour revenir et finir sur la tonalité originale. C’est en quelque sorte une conclusion en mouvement. La transfiguration est alors complétée.