[information]Ce texte a été écrit dans le cadre du cours Écriture pour enfants et adolescents, donné à l’Université Laval par Gabriel Marcoux-Chabot à l’automne 2014.[/information] Jack est un chasseur. Un vrai de vrai! Il ne faut pas se fier à sa petite taille et ses mignons cheveux bouclés. Il est le meilleur chasseur de la ville. Rien ne lui échappe. Il connaît toutes les cachettes secrètes du quartier. Il a tout exploré : la jungle derrière sa maison, la rivière aux grosses pierres, les forteresses au parc…

Mais que chasse-t-il? Des odeurs. Oui, oui! Jack est un chasseur d’odeurs. En fait, il les collectionne. Il en a des centaines. Regarde sur son mur toutes ces fioles aux contours étranges. Ce sont dans ces flacons que Jack enferme tout ce qu’il a attrapé. Ils sont tous remplis de parfums aux formes et aux couleurs différentes. Vois-tu la bouteille qui semble contenir un immense flocon de neige? C’est la senteur de la première neige qui tombe en automne. Quelle est l’odeur noire, blanche et verte qui n’arrête pas de gigoter dans sa fiole? C’est celle du ballon de soccer en été bien sûr! Dans ces bouteilles, il y a aussi celle des livres de la vieille bibliothèque de l’école, de la bicyclette rouillée de son ami Pascal, des biscuits de sa Mamie. Vraiment, aucune odeur n’a réussi à lui échapper.

Ce n’est pas toujours facile de les attraper. Oh que non! Jack doit souvent inventer des pièges de toutes sortes pour y parvenir. Par exemple, l’odeur du raton laveur s’était cachée dans les poubelles de l’épicerie. Elle ne voulait plus en sortir. Jack a dû utiliser un petit gâteau au chocolat pour l’attirer. Qui peut résister à du gâteau? Il l’avait déposé devant la poubelle et s’était caché derrière une boîte. La senteur du raton laveur était sortie de la poubelle. Et hop! Jack a pu l’attraper avec son énorme filet. Mais cette capture n’était pas très complexe, surtout comparée à celle de l’odeur des abeilles. Cet arôme-là avait présenté tout un défi. Aie, aie! Qu’elle piquait fort! Mais Jack n’avait pas abandonné. Il était finalement revenu à la maison avec la fragrance dans la petite fiole… et plusieurs grosses piqûres sur le front et le bedon!

De toutes les odeurs qu’il collectionne, il y en a une que Jack aime plus que les autres. Elle est très précieuse et spéciale. Sans ce parfum, il n’arriverait pas à dormir la nuit. C’est pourquoi elle est toujours à côté de son lit, prête à lui donner de beaux rêves.

Un soir, comme à l’habitude, Jack prend la petite fiole pour verser quelques gouttes sur son oreiller… Mais rien ne tombe! Surpris, il regarde à l’intérieur. Elle est vide. Jack fouille partout dans sa chambre, sans succès. L’odeur a disparu! Jack a dû trop l’utiliser. Maintenant, il n’a pu son arôme pour s’endormir et il va devoir se coucher quand même.

— Demain, j’irai chasser pour la retrouver, se promet-il.

Le lendemain matin, le chasseur arriva dans la cuisine avec des énormes cernes sous ses yeux

— Est-ce que ça va Jack? demande son papa surpris de le voir comme ça. Tu as l’air très fatigué.

— J’ai fait des cauchemars toute la nuit, soupire-t-il. Mes odeurs s’étaient toutes échappées de leur fiole et elles me poursuivaient. Elles voulaient m’enfermer dans une petite bouteille pour se venger!

— Quel horrible cauchemar! répondit son papa. Mais ne t’inquiète pas. Même si tu es petit, tu ne pourras jamais entrer dans l’une de tes fioles.

Dès que Jack finit son petit déjeuner, il prend son filet et part à la chasse. Il doit absolument retrouver son arôme préféré. S’il n’y arrive pas, il fera encore des mauvais rêves cette nuit.

Il cherche dans tous les recoins de la ville : sous les rochers près de la rivière, sous le vieux pont en bois, derrière les poubelles de l’épicerie, entre les arbres de la jungle en arrière de chez lui. Désespéré, il va jusqu’à se faufiler dans la cachette des voyous de la ville. Mais il ne trouve pas la senteur. Elle n’est nulle part.

Jack revient chez lui tout triste. Que va-t-il faire?

— Jack? Qu’est-ce qui se passe? demande son papa inquiet.

— J’ai perdu l’odeur de Maman, pleure le garçon. Il n’en reste plus dans la bouteille! J’ai essayé de la retrouver, mais je n’ai pas réussi.

Le papa de Jack le prend dans ses bras. Il lui fait un gros câlin pour le réconforter.

— Et si on essayait de la refaire ensemble? On pourrait récréer l’odeur de Maman.

— Comment?

— En mélangeant plusieurs fragrances qui nous font penser elle. Je suis sûr que l’on va y arriver.

Jack et son papa partent donc à la recherche de senteurs qui leur rappellent Maman. Avec un énorme filet, ils partent à la plus grande chasse jamais faite à travers la ville. De retour à la maison, ils prennent un énorme bol. Ils mélangent tout d’abord le parfum de la joie, du soleil et de la pluie. Ensuite, Jack rajoute l’effluve de roses. Sa maman adorait ces fleurs. Il ajoute aussi une pincée d’odeur de petits gâteaux au chocolat. Qui n’aime pas les gâteaux? Il ajoute finalement le parfum des vieux livres que sa mère aimait tant.

Jack mélange toutes les odeurs ensemble. Puis, il sent le contenu du bol.

— Il manque quelque chose, dit Jack.

— Je sais quoi, répondit son papa. Ton rire.

Son papa ajoute alors une poignée d’arôme qui se faufile entre les lèvres de Jack lorsqu’il éclate de rire. Le petit garçon brasse à nouveau le mélange. Il le renifle et s’écrie :

— On a réussi, Papa! C’est l’odeur de Maman!

Pour être sûr de ne plus perdre son odeur préférée, Jack écrit tous les ingrédients sur une feuille. Ainsi, il ne fera plus jamais de cauchemars. Parce qu’il n’y a pas plus rassurante odeur que celle d’une maman.