Tu n’as plus le temps de cueillir les songes
de réveiller les endroits disparus         l’intérieur des mers et des étoiles
plus le temps         de dormir sous l’excès du monde

il te faut coudre l’avenir aux mailles du silence
apprendre à grandir et plonger dans le ventre creux des choses
défier ton nom
à la flamme grave du rêve

il te faut observer les recommencements
ils étouffent la fraternité des pierres
laissent couler leurs blessures leurs mensonges
et boivent des échecs par milliers
toi aussi tu deviendras un humain
qui participera à la montée du présent

mais tu espères une magnificence crucifiée à la grandeur
un émerveillement trop invincible pour se taire
chaque matin tu retrouves la chaleur des vagues
et joues avec la résignation des instants
les sacrifiés sont immenses sous le soleil
et ne s’envolent que lorsque l’été s’achève

s’il te plaît n’admire plus cette beauté qu’on te vante à bras-la-mort
avec cette brillante sonorité que ta jeunesse fait battre
ignore les hommes oublie ces femmes
ce sont eux les ogres
ils ont la figure déchirée par l’inconscience dénudée de tout principe
et leur laideur s’ouvre à la fatigue des espaces

la magie n’existe pas tu sais
cette fausse beauté bascule dans les concurrences
dans les éclats échoués contre les cultures
les fusillades brodées à la lumière des nôtres
dis-le-moi
est-ce miraculeux encore

voilà des armes des bombes l’insouciance         encore
pendant que les horizons ont des bouches
et se confondent à la gorge oubliée des heures
pendant que tes doigts déballent ta faiblesse
que tu parles des châteaux
que tu embrasses les cirques de la transparence
les empires de la douceur         encore
assis sur les élans que nous prenons à l’envers
sur les distances qu’empruntent nos histoires
sous la lueur tranquille d’une dernière fois

vas-y maintenant         caresse le réel il t’enserre la main
après l’infusion du temps et le bourdonnement de l’espoir
vois         les immeubles ne ressemblent plus à des monstres
et les devoirs agripperont tes grandes roues de tendresse
tes carrousels de liberté

tu peux rouvrir les yeux

regarde les saules pendus à l’étiolement
les oiseaux allumés par une profondeur
les ruines des différences et leur repos craintif
il y a des nuits brûlées par notre mémoire ses échos trop lents
vois à quel point les cachots vibrent d’angoisse
observe les affamés         ils décochent leurs appels aux drapeaux
du silence
allez         explore à nouveau cette Terre
elle est seulement un ballon dégonflé
une poupée morte

regarde les pays enchaînés aux berceaux de la misère
aujourd’hui ils s’effondreront aussi doucement
que des couvertures après l’amour

nous devons souvent chatouiller l’inconnu         entrouvrir les paupières des mystères
ne plus descendre les escaliers du sommeil
lève-toi         bientôt la clarté s’agenouillera vers le futur
des yeux pleureront à la puissance des visages
nous hisserons nos présences dans la fleuraison des tourments
et demain il neigera de l’absence
sur les énigmes de l’Univers

je te le promets

quand le vide aura des ailes
nous pourrons y atterrir