si j’étais un film, je serais gore et sans concessions

je serais composé d’un tas de choses
mobilier urbain
objets communs
organes
travelings chiadés

je porterais sur le déchirement
et la fragilité d’être au monde

une violence apparaîtrait derrière laquelle je me fondrais, des victimes en sortiraient sans moi, je les pleurerais en jubilant secrètement
après, j’observerais le châtiment infligé à ceux qui restent et je chercherais — je chercherai toujours
cet enfant
qui osait louer la cassette interdite
au Vidéo 317

enfant révolu
j’ai de jolis couteaux pour toi
des morceaux à redire
à suspendre dans ton ciel neuf
près des légendes que ta mère racontait au feu de camp
pour sculpter
ton cauchemar impeccable

pour toi, la réalité porte le signe de l’acquittement
te voilà chanceux
aucune information ne peut plus te briser

je te montrerai les énucléations les plus célèbres
la cruauté la plus prestigieuse
les événements traumatiques perpétrés ad nauseam
dans un coin secret du monde
et rien ne te sera caché
de ce que font les gens de leurs corps, du corps des autres et de leur temps sur terre
tu verras les ombres faire à contrecœur
leur deuil d’elles-mêmes

tout ça pourquoi

***

me voilà touché par la souffrance du monde
c’est ce qui me rattache
à tout le reste

quelque chose de l’enfance
refuse de s’éteindre

mon film est une histoire de vivre
les genoux en sang
où il me faut apprendre la légèreté
dans le silence des sévices

les organes exposés se transfigurent
en tremplins vers l’empathie,
déconstructions tortueuses, labyrinthiques
rendant impossible toute division manichéenne

un cœur se dresse maintenant là où un monstre marchait peu avant
quelque chose demande à être laissé
derrière
alors je range mon passé comme une vieille cassette
sur l’étagère du Vidéo 317
en attendant le prochain enfant qui osera louer
la fameuse cassette interdite