sur l’une des photos que j’ai gardées DSC_0245 je suis assise dans l’escalier chez mes parents mes pieds deux marches plus bas mes genoux collés mais mes Converse noirs à la largeur de mes épaules décharnées j’ai une main qui repose sur mes cuisses l’autre qui soutient ma tête je porte ta tuque par-dessus mes cheveux lousses ton odeur couvre la mienne je ne suis pas moi je suis autre chose je suis quelque chose qui t’appartient

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il y en a que j’ai refusé de prendre pendant longtemps il y en a que j’aurais aimé ne jamais avoir prises celles où je devais pousser encore plus loin le travestissement enlever toujours plus de vêtements pour me convaincre de les prendre ces photos tu me sortais le grand jeu les menaces tu me disais que si je refusais c’est que je ne t’aimais pas assez tu as réussi à me soumettre tu as réussi à me faire sentir coupable d’être moi

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depuis que tu les as prises j’ai une phobie des caméras elles me déforment me défigurent me renvoient une image que je ne reconnais pas en fouillant dans les fichiers qu’il me reste je pensais détester le côté permanent des photos la lumière figeant la honte sur l’écran mais c’est le contraire le pire c’est leur impermanence il me semble qu’après toutes ces années je découvre en elles quelque chose de différent

 


NOTE

La création de cette œuvre a été rendue possible grâce à l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec.