1

Ça vient de mon mur.

Est-ce que j’hallucine ? Non. J’entends un bruit à l’intérieur du mur. Ce n’est pas dans ma tête. Le son est faible, presque imperceptible, et se produit juste au-dessus de mon oreiller. Je l’entends trois fois, à un intervalle régulier de quelques minutes, puis plus rien.

Le bruit ressemble à celui du sable s’écoulant dans un sablier. Il n’y a qu’une explication logique possible. Un peu de bran de scie doit tomber entre les panneaux de cloison et la laine isolante. Rien d’affolant pour n’importe qui d’autre, mais moi les bruits, ça me rend folle.

Les sons ne se font pas entendre sans raison. Ça signifie qu’il y a problème caché quelque part, non ?

Ce sera comme lorsque le réfrigérateur s’était mis à faire des sons d’hélices étranges qui m’avaient empêchée de dormir toute une semaine et lancée dans une spirale infernale d’anxiété. Je ne veux pas à nouveau passer des nuits blanches à décortiquer chaque scénario possible.

Le réfrigérateur est-il sur le point d’arrêter de fonctionner ? Est-ce que je vais perdre toute la nourriture dedans ? Pas d’argent pour du take-out. Mon réfrigérateur est dégoûtant, il faut que je le lave. Il faut que je l’avance pour laver en dessous. Dans combien de temps mon propriétaire pourra-t-il m’en trouver un autre ? Quand est-ce qu’on va sortir le vieux et mettre le nouveau ? Quand va-t-on trouver un moment pour faire ça, je travaille tout le temps ? Est-ce que je vais devoir aider ? Et si je manque de force et l’échappe sur mon propriétaire ? On est au beau milieu de l’été, où je vais mettre toute cette nourriture ? Ça va pourrir, si je garde tout en dedans je vais avoir des vers blancs partout, si je mets ça dehors les écureuils vont venir saccager mes sacs et salir toute la rue avec mes cochonneries. Mes voisins vont juger mes choix alimentaires et penser que je gaspille, que je me moque de l’environnement…

Le réfrigérateur avait finalement repris sa tonalité habituelle par magie, mais quelles sont les chances que ce nouveau bruit fasse de même ? Je n’arriverai jamais à l’ignorer. Ce qui se passe dans mon mur va me garder éveillée.

J’y colle mon oreille. De si près, il n’y a pas d’erreur possible.

Quelque chose gruge.

2

Je trouve Mel en train de pelleter l’entrée, sans doute pour la cinquième fois aujourd’hui et la millième cet hiver. S’il s’occupait avec autant de rigueur de l’intérieur de nos appartements, il serait le parfait propriétaire, et nous vivrions dans une oasis de propreté. Mais non.

— Mathilde. Tes parents vont bien ?

Fidèle à ses habitudes, Mel ne s’intéresse qu’à mes parents et ne veut pas savoir comment moi je vais.

— Mathilde, ta voisine a une souris. Okay ? Toi ?

— Oui, je l’ai entendue dans les murs cette nuit.

— Ah. Toi aussi. Bon, je vais passer demain te mettre un piège. Okay ? T’as peur ? Ta voisine a peur, toi ? Souris, ça attaque pas les humains. Okay ? Je m’en occupe, Mathilde. C’est juste une souris. Okay ?

Okay. Pas d’exterminateur ? On s’en occupe ? Est-ce que c’est simple à régler comme problème ? La situation n’a pas l’air de l’inquiéter. Tant mieux si elle est chez la voisine. Nos murs sont connectés, c’est pour ça que je l’entends aussi. Voilà. C’est tout. Ce sera vite terminé. Gardons notre calme. Il n’y a aucune raison de paniquer.

3

Assise à mon bureau à genoux sur ma chaise et les pieds loin du sol, j’écoute des vidéos à propos des souris sur YouTube.

J’apprends qu’elles peuvent se glisser dans un trou du diamètre d’un crayon, qu’elles peuvent mordre, qu’elles peuvent transporter des tiques et des puces. Une souris vivant seule peut se laisser mourir. Elles ne supportent ni la solitude ni l’ennui. J’apprends grâce à Wikipédia qu’il existe plusieurs espèces, comme la souris des moissons occidentales, la souris à abajoues flavescente, la souris à sauterelles, la souris sauteuse de l’Ouest, la souris fléchette, la souris commune. Je tombe sur une liste des maladies qu’elles peuvent transmettre aux humains. Le hantavirus, la leptospirose, la méningite, la salmonellose, la tularémie. La peste bubonique.

J’entends une série de petits clics rapides, comme des ongles qu’on taperait sur une table. Le bruit vient de derrière, mais je ne vois rien. Ce n’est qu’un bout de mur vide entre mes rideaux et ma bibliothèque. Je suis à l’affût du moindre son, du moindre mouvement. Au moment où je retourne à mes recherches, la souris surgit de la bibliothèque et court le long du mur pour aller se cacher derrière mes rideaux.

Fight or flight. Affronter le danger tête première ou s’enfuir en courant pour sauver sa vie. Je choisis plutôt la troisième option : geler sur place. Je pense à tous les choix qui m’ont menée à cet instant, accepte ma mort et attends ma délivrance.

La souris est derrière mes rideaux, quoi faire de cette information ? Si je lui ouvre la porte de mon balcon, va-t-elle comprendre le message ? Si je bouge, va-t-elle me sauter dessus ? Si je m’approche, va-t-elle me mordre ? Finir la soirée à l’hôpital avec la rage et des puces ne m’intéresse pas.

Elle est apparue de nulle part, sans avertissement. Quelque chose qui ne devrait pas être chez moi l’est. Une créature vivante et sale. Que je ne peux ni toucher ni attraper. Qui fait du bruit la nuit, qui dérange, qui perturbe, qui doit partir à tout prix, le plus vite possible.

La souris reprend sa course. En longeant le mur, elle passe des rideaux au canapé pour disparaître dans la cuisine. Quoi faire ? Je dois trouver par où elle entre chez moi. Continuer de faire la statue ne réglera pas le problème. Je la suis.

La porte de l’armoire sous l’évier est entrouverte.

Cette armoire est vide, il n’y a que des tuyaux et oh !, petit détail, le mur est ouvert. La laine isolante est exposée au grand jour.

Il faut croire que la souris en a eu assez d’être chez la voisine.

4

Mel a choisi d’utiliser un piège à colle. Il tient la plaquette noire par les côtés en faisant attention de ne pas toucher la substance luisante qui la recouvre. Quand je pense à un piège à souris, ce n’est pas ce qui me vient en tête.

— Souris va rester pris. Okay ?

Il laisse tomber la plaque près du trou et la pousse avec son pied pour l’accoter contre le mur, devant l’armoire sans fond.

— Faut pas avoir de miettes chez toi, faut que ça soit propre, pas de nourriture. Okay ?

J’acquiesce. Il regarde autour de lui, puis me demande :

— As-tu du beurre de pinotte ?

— Oui.

— Peux-tu en mettre dessus ? Mais touche pas. Okay ?

Pourquoi est-ce moi qui fournis le lunch ? Avec un couteau à beurre et une cuillère, je dépose une motte de beurre d’arachide au centre du piège. Je m’excuse à la souris, avoir su que j’allais partager, je n’aurais pas double-dip.

Mel quitte sans rien dire.

Pas de miettes. Parfait. Je fais le ménage pendant des heures, comme jamais auparavant. Tout est astiqué, frotté, épousseté, récuré et balayé jusqu’à ce qu’il n’y ait plus le moindre atome de poussière. Le bas des murs et le plancher sont désinfectés. Les draps et les serviettes sont changés. Tout est noyé d’eau de Javel. Moi comprise.

Quelques minutes après m’être finalement enroulée dans mes couvertures, complètement exténuée, j’entends ses petites griffes sur le plancher de bois. Le son s’arrête un instant. Puis reprend de plus belle. La souris longe mes murs et joue dans mes rideaux. Dès que le sommeil commence à m’emporter, le cliquetis de ses pattes me réveille.

5

C’est la même chose chaque nuit. Elle sort de sa cachette une fois que les lumières sont éteintes et que je me glisse sous mes draps. Je ne dors plus. Elle va recommencer. Elle recommence toujours.

Cette fois, j’entends couiner. C’est nouveau. Le cri vient de la cuisine.

Un minuscule rongeur a les quatre pattes et la queue collées sur le piège.

La souris a la même réaction que moi, elle fige. Faut dire qu’elle est collée, ça limite ses options. Elle se tait. Son petit museau renifle l’air. C’est une souris commune, avec de grands yeux noirs tristes, de courtes pattes roses, une petite face mignonne. Elle a l’air douce. Elle ne fait même pas dix centimètres. La souris a du beurre d’arachide sur ses pattes et au coin de la bouche.

Elle n’a rien demandé. Elle ne sait pas comment elle est arrivée ici. Ce n’est pas sa faute. Elle me regarde, je la regarde. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? J’attends qu’elle meure de faim ? Mon cœur se serre. Ce type de piège est cruel et stupide. Pourquoi Mel l’a choisi ? Des gens ont des souris comme animaux de compagnie. Je les comprends, elle est mignonne, la souris. Pourquoi celle-ci est-elle prise dans un piège au lieu d’être l’animal d’une classe de troisième année ? Elle se met à lancer des petits cris plaintifs, des appels à l’aide. Je n’ose pas m’approcher, de peur qu’elle décolle et me saute dessus. Est-ce qu’elle transporte des maladies ? Moi je ne m’approche pas et je ne la touche surtout pas. Qu’est-ce que j’en ferais de toute façon ? Non, je ne m’en occupe pas.

J’appelle Mel. Son piège, son problème.

Aussitôt le téléphone raccroché, la souris arrête de couiner. Elle me fixe avec ses yeux noirs et accusateurs. Je reste plantée quelques mètres devant elle, incapable de faire quoi que ce soit. On cogne à ma porte.

Mel entre sans que je lui ouvre. Il a un vieux sac en plastique avec lui. Il se penche près du piège.

Ma souris panique. Elle essaie de se libérer. Elle gémit une fois, puis plus rien.

— C’est bon, est morte, Mathilde.

Une vague de culpabilité se répand dans ma cage thoracique. L’idée que cette mésaventure se termine avec un meurtre ne m’avait pas traversé l’esprit jusque-là.

Je m’attendais à quoi ? Qu’il la traîne dans son petit sac en plastique jusqu’au parc Molson pour la libérer dans la nature ? Qu’il lui fasse un petit bain de pied pour la décoller du piège et une manucure-pédicure pour s’excuser du dérangement ?

Si je n’avais pas prévenu Mel, si j’avais essayé de m’en occuper moi-même, j’aurais pu la sauver. J’aurais pu trouver un autre type de piège au lieu d’attendre que celui-là fonctionne ou chercher sur Internet comment décoller ma souris. Je l’aurais mise dans une petite boîte et me serais rendue au parc Maisonneuve, tiens, encore mieux que le parc Molson. Elle aurait été libre de vivre sa petite vie de souris. Elle se serait peut-être même rendue jusqu’au Jardin botanique où elle aurait fini ses jours en paix entourée de fleurs, de jolis étangs, de touristes et de carpes japonaises.

Rien de tout cela ne s’est produit. Elle est morte.

Mel vient de lui tordre le cou à travers un sac en plastique IGA.

J’ai mal au cœur. C’est ma faute. Je suis complice d’un meurtre. Une innocente et inoffensive créature a été assassinée à cause de moi.

— Bon. C’est réglé, Mathilde, okay ? Tes parents, ça va ?

 

6

Je ne dors pas de la nuit, trop rongée par la culpabilité et attentive au moindre son, certaine d’entendre à nouveau ma souris zigzaguer dans l’appartement. Mais non, un silence de mort. Littéralement.

En rentrant du travail, je referai le ménage de fond en comble pour effacer définitivement toute trace du passage du rongeur dans ma vie. Tout remettre à zéro et passer à autre chose. Épreuve surmontée, dossier clos.

Mais en franchissant ma porte, mes plans s’évaporent. De petits copeaux de bois sont éparpillés sur le sol. Dans la moulure au bas du mur près des copeaux sont visibles des petites encoches dans le bois.

Une souris a essayé de creuser un trou dans le mur pour s’échapper. Une autre souris.

Est-ce une infestation ? Mes murs grouillent-ils de vermine ? Sont-elles cachées quelque part, en train de m’épier ? Devrais-je commettre un génocide pour restaurer la paix chez moi ?

Mon cœur s’emballe. J’ai chaud. J’ai le goût de me ronger les ongles au sang, de manger tout ce qui me tombe sous la main, de me lécher les lèvres jusqu’à ce qu’elles brûlent, de me brosser les cheveux avec les doigts jusqu’à être chauve, de me gratter le creux du coude jusqu’au sang.

J’appelle Mel. Il ne répond pas. Je monte cogner chez lui. Toujours aucune réponse. Je sors. Je le cherche dans la rue, dans la ruelle. Sa voiture est stationnée devant l’immeuble. Où est-il ? M’ignore-t-il ?

Je rentre. J’utilise mon rouleau de ruban adhésif gris pour condamner l’armoire sous l’évier, j’en mets plusieurs couches sur tout le tour, assez pour que même un être humain soit incapable de l’ouvrir. Ça suffit. Il faut que ça cesse.

Là ! Dans le salon, le claquement de ses pattes sur le sol. Elle est passée, elle est là. J’en suis sûre.

J’appelle Mel. Je monte cogner chez lui. Je regarde dehors. Rien.

Et si j’allais chercher des pièges moi-même chez Rona, jetais toute ma nourriture en bas de mon balcon, m’enfermais dans mon réfrigérateur, achetais un chat, déménageais, me payais un voyage en Greyhound pour retourner vivre chez mes parents, mettais le feu à l’immeuble ou sortais mon marteau et défonçais tous mes murs… Si…

Là ! Dans le mur, je l’ai entendue courir dans le mur. Juste là. Il y en a au moins deux ? J’appelle Mel. Rien.

Je me ronge les ongles.

7

La nuit, étendue tout habillée sur mon lit, tendue comme un arc, j’écoute. Elles ne font aucun bruit. Elles rient de moi. Elles manigancent. Les heures s’étirent, j’en perds le compte.

Une goutte tombe. Puis une autre.

Je veux prendre mon téléphone pour éclairer la pièce sans me lever, mais ne le trouve pas en tâtant ma table de chevet.

Est-ce un dégât d’eau ? Maintenant ? Vraiment ? Est-ce que ça vient de dehors ? Est-ce que mon réfrigérateur s’est finalement décidé à couler ? Est-ce mon évier ? Les souris sont-elles sur mon comptoir ? Ont-elles une petite soif ?

J’allume une lampe. Mon téléphone est introuvable. Le bruit me mène dans la cuisine. Ce n’est ni l’évier, ni le bain, ni le réfrigérateur. C’est mon plafond qui coule.

Au-dessus de l’îlot, la peinture s’est gonflée et a créé une bulle grosse comme un ballon de plage. Les gouttes qui s’en échappent atterrissent sur mon micro-ondes.

Qu’est-ce que c’est ? D’où est-ce que ça vient ? Qu’est-ce qui coule autant, assez pour avoir engendré une telle accumulation ? Pourquoi ça se rend jusqu’ici et coule encore ? Si la peinture se fend, est-ce que je vais avoir une cascade dans ma cuisine ? Comment vais-je boucher le trou ? Comment Mel va-t-il arranger ça ? Est-ce qu’il va devoir ouvrir le plafond au complet et travailler dedans pendant des semaines ? Est-ce que ça va faire moisir le bois entre les étages ? Est-ce que je vais attraper une maladie en respirant ça ? Est-ce que j’appelle Info-Santé pour le moisi ? J’ai perdu mon téléphone. Je ne dormirai plus jamais.

Ça vient de chez Mel.

J’y vais. Je cogne. Aucune réponse. Je tourne la poignée. Aucune résistance. J’ouvre. Ma cuisine est en train de devenir une piscine, fuck la bienséance. Où est-il ? Où s’est-il caché ? Et pourquoi ? Je veux des réponses.

L’appartement est sombre, mais la lumière de la cage d’escalier en éclaire les premiers mètres.

Il y a des choses jusqu’au plafond.

Le plancher est invisible, tout comme les fenêtres. Il y a des sacs de poubelle pleins un peu partout. Des vieux journaux, des boîtes remplies de n’importe quoi, des piles de livres, des vêtements, des emballages de vieux appareils électroniques. Tout est d’un brun ou beige délavé par les années d’accumulation. Les piles sont aussi grandes que moi. Devant l’encadrement de la porte, un sentier sinueux creusé à travers cette montagne de saletés s’enfonce dans les profondeurs de la pièce. D’immenses toiles d’araignées poussiéreuses recouvrent les coins les plus éloignés. Mais le pire, c’est la nourriture. Il y a, disséminés un peu partout, des contenants de take-out, des assiettes avec des restes de repas, des croutes de pizza, des fonds de pad thaï, des cannettes de boissons gazeuses, des verres de café en carton dont le contenu s’est solidifié. Des miettes, des miettes et encore plus de miettes.

L’odeur est épouvantable. Je me retiens de vomir, fais un pas en arrière, prête à déguerpir. Et je le remarque.

Mon téléphone est posé sur un bac en plastique sale à la limite de la lumière de la cage d’escalier.

Je doute que Mel ait une coquille protectrice avec des petites fleurs blanches sur fond bleu poudre, c’est forcément le mien. Il m’a volé mon téléphone… Mais pourquoi ? Pour que je ne puisse pas l’agacer avec les souris ? Peut-être est-il entré chez moi cette nuit pour le prendre, pendant que je dormais. Okay, j’appelle la police. Et ensuite Qualinet, mes assurances et un fucking exterminateur, comme ça aurait dû être fait il y a des jours de ça.

Je fais un premier pas sur les déchets au sol. Je voudrais boucher mon nez, mais je dois utiliser mes deux mains pour garder l’équilibre en m’accrochant à ce qui n’est pas trop dégoûtant. Je marche sur une vieille espadrille, une couronne de Noël, une boîte de pizza. Après quelques mètres, je m’étire de tout mon long et attrape mon téléphone. J’essaie de l’ouvrir, mais la batterie est morte. Des gouttes de sueur brouillent ma vision. Cette pièce est un four.

À cette distance, j’arrive à entendre un robinet couler dans la salle de bain au fond de l’appartement. Mel ?

La porte de l’appartement se referme derrière moi.

J’aimerais me réveiller maintenant. S’il vous plait.

Une obscurité totale m’enveloppe. Mon pied tâte le sol à la recherche de la boîte de pizza pour retrouver le chemin de la porte. Quelque chose tombe à ma droite. Une pile de vieux journaux me glisse dessus. Les surfaces sous mes doigts sont collantes de saleté. J’avance comme je peux entre les piles de déchets.

— Mel ? Est-ce que t’es là ?

Comme seule réponse, j’entends le son de griffes contre du plastique, contre du carton, sur du papier.

Des souris. Derrière, à côté, de plus en plus près. J’accélère le pas et me jette sur la porte.

— Je ris pas, Mel. Okay ?

La poignée ne tourne pas. Elle est coincée. J’ai beau la tordre dans tous les sens, donner des coups de pied dans la porte, des coups d’épaules, y mettre toute ma force. Rien ne fonctionne. Je suis fait comme un rat. Mon cœur bat de plus en plus vite. Les sons se multiplient. Il y en a des dizaines. Sur les objets, en dessous, partout. Des couinements. Des dents capables de gruger du bois. Ça fourmille.

J’arrête de penser quand les premières souris se mettent à grimper sur mes jambes.