au bout du fil

ils veulent savoir

s’il reste quelque chose de vivant

de sensible

un sentiment, un souvenir ou

à peine un regard

au fond de la fosse

 

à vrai dire il reste très peu déjà, des pots de pilules vides, des livres, des ustensiles et des cartes de crédit oubliées ça et là dans mon portefeuille, des visions rapides de moments où j’avais perdu le contrôle, où j’acquiesçais à tout ce qui se présentait, projets insensés, idées périlleuses, critiques infondées. autrement dit : des moments où je pliais, édifice tanguant, prêt à rompre. ce qui reste : un sentiment d’incertitude constant, des fleurs de plastique dans ma cour, une langue à nettoyer, la peur d’être inadéquate ou de provoquer une scène. aujourd’hui j’attaque le dégel comme une houle difficile à manœuvrer, je me sens réapparaître tranquillement, je dépose des regards dans les yeux : j’ai longtemps été portée disparue.

 

la maison lieu

de dépouillement

une pluie sur la tôle

un bateau à la mer

j’essaie de reprendre le contrôle

la tête remplie de rafales

et les ongles maquillés de honte

présence

choses tranquilles livres rubans thé

 

je me concentre sur ce qui existe de beau, les feuilles de l’automne que nous avons oublié de râcler, qui refont surface sous la neige, le bois rond, les marches à la rivière, les spectacles, les taies d’oreiller qui sortent de la sécheuse, les lancements de livres des ami·es.

 

ce qui reste : un épuisement à faire le ménage, une relation au laisser-aller qui laisse des traces dans le quotidien, une certaine pitié mêlée à une antipathie. dernièrement j’ai lavé mon frigo comme une victoire.

 

le tremblement des doigts

malaises et rages

épines coincées dans le dos

taches sur le divan

ma chambre une expédition

 

mais le manteau possède une présence singulière

le manteau repose encore sur le crochet de l’entrée, à la vue des autres. avoir oublié des éléments clé à débarrasser, regretter cette présence qui épie les mouvements de mes départs, qui me rappelle ce matin-là, ce matin d’un départ rempli d’une détresse qui n’était pas la mienne, ce matin salvateur où enfin la lumière a pu jaillir. voilà la réponse à plusieurs de mes questions : j’ai pris cette douleur sur mes épaules alors qu’elle ne m’appartenait pas. j’ai cajolé ces parties venimeuses alors que j’aurais dû être ferme, tranchante.