[information]Ce texte a été lu dans le cadre du Déjectoire, spectacle d’ouverture du Mois de la Poésie, le 1er mars 2014, lors du Printemps des poètes de la ville de Québec.[/information]Photo_WilliamLessardMorin Sur le sofa, bouche béante, dissimuler ses vacuités.

 

l’immodérée

 

tu ne vis que pour l’excès

l’excédant de matière absorbée

béatifiée par l’ivresse incessante

 

sans tenir tête au désir d’accumuler

la chair s’étire

se fend en vergetures

 

tu ris de ceux qui te disent

qu’il ne faut forcer l’appétit

 

étiolée

ta peau ne te plaira jamais

maigreur oubliée

et les mois ont passé

 

tu ne goutes plus

plus que ce corps trop lourd

ourdi de masses ignobles

oblitéré par l’abus

bu sans vergogne

 

tu as jeté les miroirs

rois ratés du royaume de toi

toiles ternies par le temps

tangibles sous le tissu superflu

qui te cache

qui hachure

les lignes d’une histoire

que tu n’aimes plus

 

tu es seule et laide

édifiée

au statut de victime timorée

soudoyée

yéti des temps nouveaux

veau de lait

d’une chienne de vie

 

tu es seule et laide

 

 

*

 

Être contraint à l’inertie, dans les abysses de sa mémoire, par les tentacules de l’autre, même absent.

 

entreprendre

 

la gueule à terre

à terminer ses phrases

trop vite

à vouloir enterrer

les trous de mémoire

 

la peur

dictée par le silence

au bout des mains

 

la peur empire conquiert

altière

sans embrasser sa face

 

le cœur ailleurs

mal-en-point

toujours malhabile

désœuvré

à l’essor stérile

aux phares écarquillés

 

le cœur égaré

fauve au nid détruit

nitrite crissé

inspiré

aux tympans déplumés

aux mânes immuables

 

aux meilleurs vœux

battures levées

promesses machinales

 

je t’aurais cousu

une courtepointe de vérités

dans le ventre

nos deux rives

submergées

tumeurs géantes

mers éreintées

 

je t’aurais émaillé

emmuré

chaque pas avant

étouffeur

le poids de tes ventouses

cimentage

le poids du gros bon sens

légion acculée

face au large

crachats brûlants

vandales d’œsophages

 

je t’aurais apprêté à toutes les sauces

je t’aurais gouté

en silence

sans somnolence