[information]Ce texte a été lu dans le cadre du Déjectoire, spectacle d’ouverture du Mois de la Poésie, le 1er mars 2014, lors du Printemps des poètes de la ville de Québec.[/information]

Photo_IsabellePerreault

 

J’écris pour ne plus avoir à te parler. À te comprendre. J’écris contre ton silence. Contre ton absence. Et je bois, en attendant le reste.

 

[heading style= »subheader »]En attendant le reste[/heading]

 

Je collectionne

de toutes petites victoires au fond de la gorge

des sourires

des caresses au bas des reins

Rejoindre la faille

vomir mon fiel aux toilettes

 

Je me débarbouille aux fonds des pichets

me débarbouille de rancœur

de bouillonnement

de déréliction

 

Sanctuaire de souvenirs en fer blanc

 

Je perds le nord pour ne pas perdre la face

 

 

Je voudrais arrêter d’entendre parler de toi

 

Je voudrais te déboîter au complet

jeter les morceaux là où on les avait cueillis

mais les jours renaissent et tu restes en moi

avec ton image labourée de meurtrissures

ton silence dans une serviette

tes crachats ravalés sous la couette

 

Ton visage est une porte verrouillée à clé

clé que tu as avalée avec ta langue

ta langue de bois

 

J’ai perdu mon chemin pour ces soirées à venir

soirées de silence

impuissantes

pleines de mes simagrées

J’ai perdu la face

le nord

le sud aussi

le désordre des draps les a engloutis

 

La poussière s’est affalée contre moi

a construit des châteaux inconnus

Je parcours les étapes d’un voyage terminé

depuis trop longtemps

une nuit par-dessus l’autre

l’enfer propulsé au gré du vent

un oasis de jouissance

expulsé par nos bassins

 

J’ai évité ta maison toutes les nuits

mais j’y reviens toujours

il y a bien quelque chose à chercher à trouver

De la boussole que tu as cassée.

Ne me reste que l’aiguille

qui pique mes doigts

brise mes phalanges

pointe ta fenêtre

refermée

 

Vouloir tuer tous les bruits

arracher toutes les langues

escalader le mur à ta rencontre

le corps brut

le désœuvrement

les draps comme les vagues d’une tempête

chair blanche sur nuit noire

poils noirs sur jambes blanches

les nœuds de nos membres se cherchent

le souffle

l’odeur

ça sentait la moisissure chez toi

le sexe aussi

le désir

le sperme jaillissant sur les peaux

Ici, ça sent l’iode et l’alcool

l’herbe et la grève

les mains vides

plus de doigts au creux de mes paumes

plus de jeux matinaux

je m’ennuie de l’odeur de moisissure

de l’odeur des joints éteints sur les lèvres

de la sueur sur la peau humide de trop de plaisir

de trop de désir

de trop d’empressement

 

Je voudrais effacer le temps avec une gomme bleu novembre

Je voudrais effacer l’herbe

le passage des saisons

le lit en pagaille

la barbe sur tes joues

Je voudrais chanter la guerre

la guerre ouverte

la guerre froide

déclarée sans un seul mot

Je voudrais te détester pour t’aimer dans le désordre

 

J’ai cassé le squelette de nos souvenirs

sucé sa moelle

grugé ses os

ma langue s’en souvient

 

Je me tricote des jours heureux

un visage de porcelaine

Je recouds ma virginité

 

Je mijote des sentiments sous vide

assaisonnés d’ennui

de fleurs calcinées

Je résous les énigmes

mais mes solutions sont toujours mauvaises

 

Et le bruit des vagues

de tes vagues

de celles que tu as fait naitre sur mon corps en extase

le sel

l’iode

le sable

tout coule en sueur sur nos peaux

 

la mer a effacé la peinture

la laque

tout est crû

nu

c’est une histoire de peaux

qui expulsent l’alcool

la nausée

la laideur des fins de soirée

la chaleur entre mes cuisses

la douleur de mes jambes

de mon sexe

de tes ongles

de l’avenir où tu es absent

où tu es de trop

 

J’ai peur du temps

des autres

de toi

J’ai peur de mon corps

de mes kilos

de ma rétention d’alcool

 

Et je collectionne les victoires en attendant le reste

de toutes petites victoires au fond de ma gorge

le cœur sur la corde à linge

mon fiel

expulsé

orgasme solitaire