Automne, basse-ville de Québec.

Il pleut. Les nuages sont si denses qu’il fait sombre, en plein jour. Ici, on dirait une pluie ordinaire, mais plus loin à l’Est, Fiona vient de souffler sa furie de tempête post-ouragan. Des centaines de maisons, d’arbres et de lignes électriques ont été arrachés dans les provinces atlantiques et dans l’Est-du-Québec.

J’espérais profiter d’une accalmie entre deux averses pour sortir marcher avec Fred, mais il s’impatiente, il ne veut plus attendre. Je sais déjà qu’à notre retour, l’odeur de laine mouillée de mon compagnon envahira l’appartement.

Georgina est retrouvée, m’a révélé hier la page Facebook dédiée aux chats perdus du quartier Saint-Sauveur. Elle est rentrée toute seule, juste à temps pour les premiers gels de la saison, saine et sauve après plusieurs semaines de cavale. Les affiches arborant sa photo ont été enlevées des poteaux de téléphone des rues avoisinantes. À leur place sont apparues d’intrigants messages : quelqu’un cherche Isabelle, une humaine rencontrée par hasard dans le parc Victoria samedi dernier. L’annonce a des airs de lettre d’amour et Isabelle est invitée à déchirer, dans le bas de la feuille, un numéro de téléphone pour rejoindre Chris.

Les poteaux de téléphone de Saint-Sauveur transmettent toutes sortes de messages. Sur la rue Saint-Luc, il y en a un qui est « habillé » de banderoles brillantes et de tissus à franges, sorte de sculpture multicolore offerte aux yeux des passants. Sur la rue de Carillon, il y en a un qui porte une affiche où on peut déchirer de courts « poèmes à emporter ». Au hasard, je choisis L’automne les couleurs tombent en toi comme une naissance. Et puis, on annonce un peu de tout sur ces poteaux. Des chats perdus, des kiosques de limonade, des ventes de garage, des pique-niques de voisinage, des ateliers d’alphabétisation. Cela se superpose dans le désordre, au fil du temps. Fred, lui, y renifle inlassablement des messages canins que lui seul comprend.

J’aurais bien voulu marcher plus vite, écourter la promenade pour échapper au vent et au froid, mais Fred préfère les longues sorties et prend le temps de bien sentir toutes les odeurs. Il m’enseigne à ralentir.

L’air est un peu lourd. L’humidité s’immisce jusqu’aux os. La pluie lavera au moins les fines particules rouges qui ont recouvert ces derniers jours les quartiers Saint-Roch, Limoilou et Saint-Sauveur. Les épisodes de chutes de poussières industrielles sont plus fréquents depuis quelques années, mais les « experts » ne s’entendent pas sur leurs causes et leurs conséquences. Personne ne veut prendre le blâme ni admettre que respirer toute cette poussière pourrait finir par endommager les poumons.

J’ai des envies de grand ménage – je voudrais couper mes cheveux, me départir de tout ce qui encombre l’appartement. Partir, peut-être. En auto, avec Fred. Trouver des routes qui n’en finissent plus. Des arbres à perte de vue et des odeurs de terre.