[information]Ce texte a été écrit dans le cadre de Huis clos à ciel ouvert tenu au Musée national des beaux-arts du Québec le 4 avril 2014, pendant la Nuit de la création, et ce, sous les contraintes imposées lors de la première période d’écriture de ce projet à laquelle se sont livrés trois duos d’artistes.[/information]

Au Centre Hospitalier Universitaire de Laval (CHUL), un homme blessé sort d’une ambulance.

MAXIME (en bâillant) : Dure nuit, je serais resté couché.

Dre POQUELIN : Mais voyons, jeune homme… à votre âge, je faisais des 36 heures d’affilées sans dormir et parfois même sans manger. Arrêtez de vous plaindre et passez-moi le dossier de ce patient.

MAXIME : Désolé… (Il cherche le dossier, le trouve, puis l’échappe.) Zut!

Les cendres d’un volcan lointain bloquent la lumière du soleil.

Dre POQUELIN : On dirait un enfant avant sa première tempête… vous vous empêtrez, très cher. Ressaisissez-vous.

MAXIME (se penchant pour ramasser le dossier) : Ce n’est pas des doigts que j’ai… tout me coule entre les mains. Bon maintenant, je ne vois plus rien.

Dre POQUELIN : Ces foutus stores… toujours fermés.

Dre Poquelin se dirige vers la fenêtre, tente d’agripper la corde des stores, mais en vain.

MAXIME : Ça sent le brûlé, vous ne trouvez pas?

Dre POQUELIN : Regardez ça! (Interloquée, à la fenêtre.)

Maxime s’approche de la fenêtre et la touche du doigt.

MAXIME : Aïe! C’est chaud!!!

Dre POQUELIN : Les changements climatiques… je le savais, je le savais. Je l’ai toujours dit.

MAXIME : Je ne vois rien, la vitre est opaque. On dirait que de la poussière s’est accumulée. Bon sang! Depuis quand ces fenêtres ont-elles été lavées?

Dre POQUELIN : Je vois bien que la vitre est sale jeune homme. Je suis peut-être vieille, mais je ne suis pas encore aveugle! Bon, passez-moi ce dossier à la fin…

Il se penche et met finalement la main sur le dossier.

MAXIME (toussant) : Le voilà!

Un immense nuage de smog emprisonne toute la ville de Québec. L’air est irrespirable et la visibilité grandement réduite.

Dre POQUELIN (s’adressant au patient) : Alors, Monsieur Lung, comment ça va aujourd’hui? Soulevez votre jaquette que j’ausculte vos poumons…  Une grande respiration… Encore… Parfait! Ce jeune interne est sous ma responsabilité aujourd’hui. Vous permettez qu’il prenne vos signes vitaux?

MAXIME : Donnez-moi votre bras monsieur. Merci. (Il lui passe l’appareil autour du bras.) Dre Poquelin, j’ai de la difficulté à voir…

Dre POQUELIN : Mais c’est parce que vous regardez le cadran à l’envers jeune homme… Depuis combien de temps n’avez-vous pas dormi? Et puis, avec toute cette noirceur… décidément. Pourquoi n’iriez-vous pas tout simplement ouvrir la lumière de la chambre de ce cher M. Lung?

Une tempête de verglas transforme la ville en immense patinoire. Impossible de marcher dans les rues ou de conduire.

MAXIME : Attendez, je ne suis pas très sûr de son emplacement.

 Il va à droite et trébuche sur un câble.  

Dre POQUELIN : Ha non! M. Lung! Vous avez encore fait pipi par terre! Ne vous inquiétez pas jeune homme… vous n’êtes pas le premier interne qui se fait piéger par ce vieux hibou.

MAXIME : Je crois que j’ai trébuché sur un fil. Bon sang qu’il fait chaud! Il n’y a pas de climatisation ici?

Dre POQUELIN : Vous voudriez que nous mettions de la climatisation en plein hiver? Regardez dehors, un instant tout est gris, l’instant d’après il nous tombe des balles de golf sur la tête. Je le redis : les changements climatiques… je le dis et le redis.

On entend le téléavertisseur.

Dre POQUELIN : Suivez-moi! À l’urgence, tout de suite!

MAXIME : Bon. Restez calme Monsieur Lung, on vous envoie quelqu’un tout de suite.

Il sort à la suite du Dre Poquelin.

Un sous-marin étranger émerge dans le port de Québec et refuse de coopérer avec les autorités. 

Dre POQUELIN (s’adressant à l’infirmière de l’urgence) : Bon, qu’avons-nous ici?

Celle-ci indique qu’il s’agit d’un accident de la route causé par la glace.

Dre POQUELIN : Alors jeune homme, quelle est la première chose à faire lorsque les patients nous arrivent?

MAXIME : Vérifier ses signes vitaux?

Dre POQUELIN : Avant cela…

MAXIME : Mes cours de soins infirmiers sont loin…

Dre POQUELIN : Mais vous êtes infirmier??? Je croyais que vous étiez le jeune interne qui devait passer la journée sous ma supervision? Vous êtes bien Patrick Gauvin?

MAXIME : Non, moi c’est Maxime, Maxime Boivet. Attendez. (Il examine, la jambe du patient.) Mais, sa jambe est brûlée!

La Terre sort de son orbite et se dirige à toute vitesse vers le vide. La température baisse rapidement, sans espoir de se réchauffer.

Dre POQUELIN : J’ai déjà vu ça quelque part… du feu, des cendres, de la grêle… et maintenant ce gel. Seigneur! Seigneur! (À elle-même) Calme-toi, calme-toi Thérèse… Restons rationnels : les changements climatiques.

L’urgence est rapidement engorgée de brûlés, de gens avec des engelures, d’accidentés de la route, etc., etc.

MAXIME : Bon sang! Qu’est-ce qu’on fait? Je ne peux pas me dédoubler… ok. Changements climatiques ou non, il faut regrouper les blessés, demander à ceux qui sont relativement en bon état de garder un œil ouvert et de nous avertir.

La terre se fragmente et la lave engloutira d’ici quelques minutes tout ce qui vit.

 Le plancher de l’urgence se fissure, Dre Poquelin tombe dans la craque du plancher.

Dre POQUELIN : Mon Dieu! Maxime!!! Aidez-moi!!! Au secours!

Maxime tend la main et agrippe le bras du Dre Poquelin.

MAXIME : Aidez-moi quelqu’un! Elle est trop lourde!

Dre POQUELIN : …

FIN


Voici les autres textes qui ont produit sous les contraintes imposées lors de la première période d’écriture du projet Huis clos à ciel ouvert :

Le dernier cride Catherine D’Anjou et Marc Laliberté;

Dans les rêves, tu peux prendre des décisionsd’Aimée Lévesque et Marie-Ève Muller.