J’entre dans mon petit appartement. En lançant mon manteau sur ma chaise, je me dirige vers le frigo pour attraper une bière. J’ai juste vraiment besoin de m’en calisser en ce moment. Y faut que je m’en caliss, ou je vais vomir mon cœur sur le plancher froid pis sale. Ça serait peut-être mieux de même, ça pourrait le remettre à sa place. Une journée ben normale, comme d’habitude.

Première gorgée. Ah fuck oui. Juste assez amer, juste assez douloureux sur ma langue. Je m’assoie sur le bord de mon lit, penché vers l’avant, les coudes plantés dans mes cuisses, ma bière déjà à moitié vide dans ma main pleine de fourmis. Un engourdissement de fourmis qui pétillent dans mes doigts. Rien de grave. C’est juste que j’ai les nerfs comme des câbles électriques quand je pense à toi pis ça me fuck. Je m’observe dans le miroir flou de traces de mains, pis je me demande, comme à chaque fois, si c’est vraiment moi ce petit visage là. Des yeux toujours au bord des larmes pis le cœur pas si bien accroché que ça. J’aimerais ça m’arracher les côtes, prendre mon cœur pis le sentir battre à frette. Juste le squeezer assez fort pour qu’y redémarre, au pire. Oups, bouteille vide dans la main. Je la pose sur le comptoir plein à craquer, pis j’en sors une autre du frigo abandonné.

Mon cul s’écrase à terre, pis mon dos s’écroule sur le métal du four. J’enlève mon chandail, criss qui fait froid icitte. Ma peau se resserre contre mon corps pis les frissons me rappellent que j’ai juste des jolies raisons d’avoir peur. Ma deuxième bière est déjà finie, je me penche vers la porte du frigo pis j’en attrape une autre. Fuck it. It’s gonna be one of those perfect nights, again. Ça s’en vient, je pense que je commence à m’en calisser un peu. Le poids du monde qui marche dehors, le poids des oiseaux qui hurlent, le poids de la neige sur les arbres morts, le poids des mots coup de poing dans ma face, le poids d’une absence qui fait brûler ma peau, la légèreté de mon sourire obligé. Tout ça commence à me tomber des épaules. Je prends une grande inspiration. Juste de l’air recyclé que je suis le seul à goûter. Ça me dérange pas trop, je veux pas infliger ça à quelqu’un d’autre. Je lâche un tabarnak de gros rot qui résonne sur chacun de mes murs blancs. Fuck you, les voisins.

En me levant avec ma quatrième bière, je me sens étourdi. Je marche jusqu’à la grande fenêtre, je tasse juste un peu le rideau. Je vois de la lumière dans les autres appartements. Mon cœur me fait mal, osti y me fait vraiment trop mal. J’ai des tourbillons de larmes qui s’affolent, mais juste dans mon ventre. Mes yeux sont encore loin derrière, y sont juste mon dernier recours. Je colle ma face sur la vitre glaciale. Mes lèvres commencent à parler en silence. « Gorgée pétillante ». Mes lèvres recommencent à s’agiter pis je fixe une fenêtre éclairée au loin. Pourquoi faut que je sois comme ça. Une feuille qui s’effrite peu à peu. Fais juste me ramasser pis déchire moi d’un coup, à place. Tu vas voir c’est facile, je suis à fleur de peau, je suis une déchirure qui marche sur deux jambes molles. Je suis … « gorgée pétillante »… je suis juste le pire de tes cauchemars. Je suis pas un menteur, promis, mais je sais pas toujours de quoi je parle.

Ça vibre dans mes pantalons. Je veux pas voir c’est qui ou c’est quoi. Prochaine bière. Couché à terre, je fixe le plafond. Mon corps est lourd pis je le sens fondre sur le plancher. C’est correct, je suis là pour vrai. C’est correct. Je bois, je bois pis j’ai le courage de jeter un œil à mon téléphone. Une étincelle dans mon crâne, je suis obligé de sourire. Fuck! J’aime pas ça être obligé. Mais des fois faut lâcher prise pis accepter de se faire tordre la bouche de l’autre sens. Tu fais pas exprès, mais tu me fais perdre le peu d’emprise que j’ai sur moi-même. Mes mains sont juste pus assez fortes quand tu décides d’exister. Je peux à peine retenir ma colonne vertébrale avec toute la force de mes deux bras. Le tourbillon de larmes dans mes tripes se calme un peu. J’ai assez de souffle pour finir la bouteille. Merci.

J’ai peut-être le merci trop facile, mais t’en fais pas, je le fais pour moi-même, avec mon bizarre d’égocentrisme. La gratitude, c’est comme le pardon, faut se l’offrir à soi-même en premier. Ah, ok je ferme ma criss de gueule. Je vais trop loin avec mes mots. Tu peux toujours mettre ta petite main devant ma bouche, si un jour c’est trop. Je le prendrai pas mal. Prochaine bière. Je commence à avoir des traces rouges dans ma main gauche à force de dévisser les bouteilles brunes. Je réponds à ton message, avec ma voix un peu out of place. Tu me réponds un autre message vocal. J’ai presque fini la sixième bière. J’ouvre le message. « Quand tu parles, j’entends ton sourire. Juste de même. »

Faut vraiment que j’aille me coucher, avant que les fourmis me sortent du bout des doigts.