Au début, elle aimait qu’on la regarde, de haut en bas et de bas en haut, comme on lèche une crème-glacée. Oui, elle y prenait plaisir. Mais vite, il a fallu être vue à tout prix. C’est devenu obsédant. Et maintenant, elle se demande pourquoi elle se donne tant de mal pour ces yeux qu’elle méprise. Elle s’observe agir à travers eux, suit ses propres gestes posés sans but sauf d’être vus, spectatrice de cette mise en scène dirigée par eux. Elle n’existe plus que pour ça. Pour mettre en place chaque élément du décor. Pour être à eux. Elle craint leur jugement parce que leur mot sera toujours le dernier. Maintenant, ces yeux qui ne la quittent plus la répugnent parce qu’ils lui rappellent sans cesse qu’elle a dit oui de n’être que ça, qu’un corps sur qui poser les mains dans sa tête, sur qui ne pas se gêner. Un panneau de publicité ambulant. Maintenant, il ne reste plus rien à chercher, plus rien à vouloir. Que le calme de la solitude loin de ces regards, devenus pénibles à la longue. Que la tranquillité des miroirs, dans le confort d’une salle de bain spacieuse, dans une grande ville bruyante. Que la compagnie des crèmes et des lotions de jeunesse éternelle, pour ne jamais quitter la fluidité du rêve.