entre Makkovic et Postville, le 11 août
« Ceci est de la répression… Nous oublions quelque chose. Et oublions que nous l’avons oublié. En ce qui nous concerne par la suite, il n’y a rien que nous ayons oublié. » – R.D. Laing
Des chasseurs ont ramassé ce schiste, l’ont assemblé
en lui donnant une forme vaguement humaine
il y a deux siècles, épine de pierre ridée
sur le point le plus élevé à des kilomètres à la ronde,
érigée pour guider les descendants des chasseurs
tel un gène légué par les générations,
Inukshuk surplombant l’océan
et le large tourbillon de la toundra intérieure
grouillant de lagopèdes des rochers et de tétras.
Dans le salon du navire, un petit groupe d’enfants
de Davis Inlet dévorent une cassette vidéo de Disney,
un nourrisson tète du Pepsi dans un biberon ;
vingt douzaines de bières récupérées dans la cale durant la nuit,
une assemblée de loques, Innus et Inuits maintenant étalés
sur les sièges du salon, puant la picole et
le tabac et l’esprit embrumé,
privés même d’un sentiment de perte.
La silhouette aveugle à l’horizon, ignorée,
telles des constellations échouées au-dessus d’une ville ;
un bras de schiste tendu pour montrer
au chasseur la piste du caribou à l’intérieur des terres,
cette partie d’un peuple dont l’attente
vit au-delà de la patience.
Il se tiendra ainsi
encore longtemps.
À propos du traducteur :
Jean-Marcel Morlat est né à Paris et réside dans la région d’Ottawa depuis 2010 après avoir vécu et enseigné dans de nombreux pays (France, Angleterre, États-Unis, Japon, Turquie, Tanzanie et Émirats arabes unis). Deux de ses traductions ont été publiées par L’Harmattan, soit Parenté : l’Odyssée d’une famille en Afrique et en Amérique de Philippe Wamba (2016) et un recueil de nouvelles australiennes de Henry Lawson intitulé Nouvelles du bush (2021). Il a aussi traduit des nouvelles et des poèmes d’auteurs anglophones (États-Unis, Angleterre, Australie et Canada) parus dans Le Sabord, X Y Z : la revue de la nouvelle, Traversées, L’Ampoule, Phoenix, Rue Saint Ambroise et Europe.