Je veux un bébé.

Chaque cellule de mon corps vibre à la pensée d’être fécondée.

Il y a cette pulsion bestiale d’allaitement, ce désir archaïque dans mes profondeurs de femelle.

Ça hurle.

 

J’en ai marre de tout ce temps libre.

Toutes ces soirées passées sur Internet, à boire du vin en sombrant tranquillement dans la mélancolie…

J’en ai marre de penser juste à mon gros nombril de Nord-Américaine.

 

Maman dit qu’un enfant, ça devient automatiquement la seule chose qui existe au monde.

Chaque regard, chaque seconde.

Elle me rappelle les cours de natation, de tennis, de karaté.

Je la revois assise dans les estrades, sa casquette bleue sur la tête, sa sacoche sur les cuisses, pas en-dessous du banc,

non, bien serrée contre le ventre.

 

En attendant, j’apprivoise la douleur. Celle qui viendra en accouchant.

Je monte les escaliers du Cap-Blanc en me concentrant sur ma respiration.

Je me répète mentalement : ça c’est rien, attends de voir ce qui s’en vient…

Je fais des mois sans café, sans alcool.

Mes hormones continuent de me bombarder.

Elles ne savent pas qu’il y a déjà trop d’humains sur Terre.

Elles ressentent cet appel primitif et mugissent.

Mais je promets que nous serons invisibles, mon bébé et moi.

Je suis prête à me priver de tout.

À dormir sur du bois. À manger du riz pour le restant de mes jours.

Nous vivrons dans la simplicité volontaire.

Mes mains de mère s’useront entre les couches lavables et le bac de compost.

Je lui enseignerai la modération.

À respecter son prochain, à faire attention à sa consommation d’eau.

Nous serons végétariens et spirituels.

Je lui chanterai des chansons patriotiques et lui lirai les poèmes de Miron avant d’aller au lit.

Nous irons à la campagne le samedi et au cinéma le dimanche.

Il y aura toujours des fleurs sur notre table.

 

Les gens nous décriront comme « une famille simple et heureuse ».