Il faut penser positif parce que nous sommes vivants, dit papa, en citant les paroles de Lorenzo Jovanotti. Il enfile des perruques et fait des stépettes à la Chaplin tous les matins dans la cuisine. Papa voudrait que ses filles soient heureuses, qu’elles cessent de se casser la tête en morceaux, de vouloir plaire à tous prix, de se comparer. Il dit qu’on doit forcément aimer pleurer pour se donner tant de mal. Il dit que c’est pour ça qu’on écoute Titanic, que ce n’est qu’un prétexte. Il ne comprend pas nos corps de femmes qui le déstabilisent, ces marées qu’on ne peut ignorer. Il ne sait plus où mettre ses mains pour nous consoler, alors il se déguise, il invente des chorégraphies pour nous changer les idées, il chante des paroles de chansons en buvant son café. J’ai beau lui expliquer qu’il n’y a rien de drôle, que la vie est triste, pleine de souffrances et d’injustices, d’un seul coup de hanche, il parvient à m’arracher un coin de bouche. Un vrai guerrier ne laisse aucune douleur paraître sur son visage, dit papa, qui enlace maman par la taille pour la faire tourner, maman qui comme nous résiste un peu, pour la forme, puis se laisse aller.