Les jours passent, Marie-Ève et Geneviève prolongent leur instant commun au fil des semaines, des mois, et des années.

Geneviève encourage Marie-Ève à s’impliquer dans un centre d’aide et d’accueil des migrantꞏeꞏs. Marie-Ève s’épanouit en apprenant les catégories et les contradictions au sein des lois québécoises et canadiennes, déterminant et normalisant la diversité et l’exclusion dans le processus même d’intégration sociale. Pour une fois, elle réussit à se sentir utile, après avoir trop rêvé à des utopiques engagements.

Émerveillée par sa volonté, Geneviève a accompagné Marie-Ève dans deux longues missions en Palestine et au Brésil. Retournée à Québec, Marie-Ève commence à penser aux autres associations dans lesquelles elle investira son temps.

Geneviève quitte son travail. Elle en trouve un autre. Elle y reste deux semaines. Elle continue à changer d’emploi, en attendant celui qu’elle n’exercera plus comme un moindre mal pour gagner de l’argent. Le premier jour où elle vend des crèmes glacées artisanales, ses collègues l’invitent à une manifestation écologique, à un concert et à une soirée de jeux. Pendant le dîner avec le gérant, iels parlent longuement sur leurs familles respectives. Geneviève rentre à la maison et embrasse Marie-Ève tout en lui affirmant, euphorique, qu’elle croit avoir atteint un lieu où vie et profession se confondent.

Depuis les deux figures idéales qu’elles avaient projetées l’une sur l’autre lors de leur rencontre à la terrasse Griendel, Geneviève et Marie-Ève ont tissé le désir de poursuivre ensemble leur promenade dans l’existence. Aujourd’hui, le souvenir de leur première infatuation revient comme une intuition confirmant leur choix de demeurer soudées.

Marie-Ève et Geneviève se tiennent par la main dans la rue et dans les transports. Une toile de rituels affectifs et de mots guide leur pas. Elles échangent spontanément postures et mimiques. Lorsque je les vois avancer vers la terrasse du Griendel, l’essence de chacune m’apparaît en mouvement sur leurs deux silhouettes; à leurs gestes saccadés, je devine que Marie-Ève et Geneviève sont en conversation ininterrompue. Pendant que leurs cheveux et leurs yeux changent d’apparence au contact de la lumière, rythmant les avancées et les arrêts de leurs mentons pointés vers l’avant, leur substance organique se présente réelle, là, immédiate.

[La suite, bientôt… à la trace 9 !]