Forum interuniversitaire 2016 des étudiant-e-s en création littéraire

Le plus récent Forum interuniversitaire des étudiants en création littéraire, qui réunit annuellement des étudiants et des diplômés de maîtrise et de doctorat des secteurs de création des universités québécoises, s’est tenu les 6 et 7 octobre 2016 à l’Université Laval. Afin de témoigner de la diversité de ce champ d’études, ce dossier regroupe les communications prononcées lors de cet événement.

Organisé par les professeurs Camille Deslauriers de l’Université du Québec à Rimouski, Isabelle Miron de l’Université du Québec à Montréal, Sarah Rocheville de l’Université de Sherbrooke et moi-même, avec le concours essentiel de Treveur Petruzziello, doctorant en études littéraires à l’Université Laval, ce Forum a permis la présentation de travaux d’écriture et de réflexion sur l’écriture dans un esprit d’ouverture et de collégialité.

Dans un souci de créer un lieu de recherches esthétiques et de réflexions critiques accueillant des démarches diverses, tantôt complémentaires, tantôt plus éloignées les unes des autres, le Forum ne privilégie pas une approche thématique de la relation à l’écriture et à la création. Les étudiants et les diplômés sont plutôt invités à présenter une communication élaborée à partir de leur mémoire ou de leur thèse.

L’édition 2016 du Forum a permis d’entendre une quinzaine de communications dont la richesse et la variété nous ont donné l’occasion de prendre la mesure de la remarquable vitalité du domaine de la création littéraire dans les universités québécoises francophones. Née d’un esprit de collaboration entre quatre grandes institutions universitaires, cette manifestation témoigne de la pertinence d’inscrire le travail des étudiants intéressés par une démarche de recherche-création en littérature dans un cursus académique à la fois rigoureux et ouvert, qui se déploie dans un espace de liberté répondant aux exigences propres au milieu universitaire.

Pendant ces deux jours, nous avons eu droit à un dialogue, parfois direct mais le plus souvent souterrain, entre différentes visions du monde, de l’art et de la littérature. Ce Forum – lieu de découvertes, d’échanges et de frottements, là où tout peut se produire lorsque se côtoient des singularités fortes, assumées, portées par le langage et par son organisation, le regard tourné vers le champ infini des possibles –, nous a ouvert des portes, petites et grandes, sur ce qui se murmure et sur ce qui se crie, sur ce qui se vit dans son quant-à-soi ou sur la place publique, sur ce qui se devine et sur ce qui éblouit.

C’est donc avec joie que nous vous permettons, par le biais de notre Crachoir, « d’entendre » ce qui s’est dit pendant ce Forum, pour que vous puissiez, vous aussi, sentir le tremblement de la voix quand le doute étreint le créateur, et la poussée de son verbe quand il se laisse porter par ses convictions.

Directeurs de dossier :
Alain BEAULIEU, Université Laval
Camille DESLAURIERS, Université du Québec à Rimouski
Isabelle MIRON, Université du Québec à Montréal
Sarah ROCHEVILLE, Université de Sherbrooke
Treveur PETRUZZIELLO, Université Laval

Le journal intime : l’angoisse, la quotidienneté et la mort

Par |2017-02-25T11:36:58-05:006 mars, 2017|Colloque, Création littéraire, Dossiers thématiques, Forum interuniversitaire 2016 des étudiant-e-s en création littéraire, Textes de reflexion|

Lors de l’évaluation du projet, le jury avait remis en question la sincérité et la véracité de l’expérience de ma création [...]. Le problème lié à la véracité ne semblait pas se situer sur le plan formel, mon journal fictif possédait toutes les caractéristiques du journal intime : une date dont l’utilisation était crédible, des référents clairs pour parler du quotidien récent, des entrées parfois fragmentaires, selon le quotidien vécu, etc. Ce qui causait le bris de véracité provenait du contenu même, on y voyait une pseudo remise en question de soi, mais l’urgence « d’être » manquait de sincérité. Je tentai à de maintes reprises de remédier à ce problème, mais je n’y parvins pas. Je me suis donc questionné sur le fait même de tenir un journal, qui, selon Lejeune, « permet de compenser la rupture de communication, de reconstruire le moi menacé de mort » (Ibid. : 187) de l’écrivain malade.

Coupe, broderie et déchirure : mères et filles au cœur du langage

Par |2017-02-25T11:16:13-05:0027 février, 2017|Colloque, Création littéraire, Dossiers thématiques, Forum interuniversitaire 2016 des étudiant-e-s en création littéraire, Textes de reflexion|

Il m’aura fallu attendre d’explorer une forme textuelle apparentée à la structure du langage établi entre ma mère et moi pour comprendre l’importance du maternel dans ma façon d’écrire. L'écriture discontinue, par fragments ou tableaux, celle se modelant à partir de la trace cicatricielle du bris de memoria, de la fracture langagière, du refus de parole, a forcé l'émergence de ce qui, dans ma pratique littéraire, demeurait en dormance. [...] C’est du discontinu, de l’émiettement, de la cassure et de la fragmentation que crée le silence, que la figure de la mère, jusque-là occultée de mes textes, est apparue.

Polyphonie et incommunicabilité dans Naissance de Rebecca à l’ère des tourments de Marie-Claire Blais

Par |2017-02-25T11:15:36-05:0027 février, 2017|Colloque, Création littéraire, Dossiers thématiques, Forum interuniversitaire 2016 des étudiant-e-s en création littéraire, Textes de reflexion|

J’ai [...] étudié pendant plusieurs années la structure des phrases de l’oralité en interviewant des gens et en consignant chaque syllabe avant de découper ces phrases pour en faire d’autres, plus concises, qui diraient la même chose mais en plus beau, en plus grand, en plus percutant. Alors, quand l’écriture est devenue l’urgence qu’elle est aujourd’hui, j’ai fait la même chose avec les miennes, mes phrases. Je les ai consignées dans une ébauche de roman, je les ai découpées, déplacées, inventées. Je n’ai pas réussi du premier coup là non plus. Formée par seize années de montage, j’ai dû briser mes phrases, les tordre. La liberté vertigineuse de l’écriture m’a décontenancée, je voulais travailler à partir de matière non malléable comme les événements de ma propre vie parce que j’avais toujours travaillé avec des contraintes de cette nature. Autrefois, les mots des autres, maintenant, un langage à découvrir.